
Le 7 mai 2003

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La révolution verte, 40 ans plus tard
(Agence Science-Presse) - La révolution
verte a effectivement été une révolution
en certains endroits... mais un recul ailleurs. Une synthèse,
comme il en a rarement été faite sur cette
révolution agricole des années 60 et 70, présente
aujourd'hui un bilan mitigé.
L'idée de départ était
marquée de l'idéalisme de l'après-guerre.
Dès les années 1950, des scientifiques de
plusieurs pays s'étaient attelés à
la tâche de faire pousser des légumes plus
vite et en plus grande quantité, afin de donner aux
pays en voie de développement le coup de pouce dont
ils avaient tant besoin. On a appelé cet effort à
grande échelle la révolution verte:
des plants "améliorés" de riz et
de maïs ont en quelques années été
adoptés par des milliers d'agriculteurs d'Amérique
latine et d'Asie et, doublés de systèmes d'irrigation
modernes, ont permis d'accroître la production agricole
globale de la planète: de 21% dans les pays en voie
de développement, selon l'étude.
Quarante ans plus tard, lit-on dans la dernière
édition de la revue Science,
le consortium de centres de recherches internationaux en
agriculture mis sur pied pour chapeauter cette révolution
verte, est passé de deux à 16 et emploie 8500
scientifiques et employés, avec un budget annuel
de 340 millions$.
Sauf que le bilan pondu par ce consortium
(Groupe consultatif pour la recherche internationale en
agriculture) révèle des trous. Dans le cadre
du Projet spécial sur l'évaluation des impacts,
qui est allé chercher l'ensemble le plus complet
de données jamais réuni, on peur lire que
les gains de productivité, entre 1960 et 2000, ont
été inégaux d'une région à
l'autre et d'une culture à l'autre. Les consommateurs
en ont généralement bénéficié;
les agriculteurs, eux, n'en ont profité que lorsque
les réductions de prix ne les ont pas frappés
trop dur.
Les plants de riz et de maïs, pour ne
mentionner qu'eux, ont effectivement produit mieux et plus
vite. Aux programmes de recherche internationaux ont succédé
des programmes nationaux dont ont profité des cultures
locales: fèves tropicales et millet par exemple,
après 1970, et une dizaine d'autres plantes recensées
dans l'étude, éparpillées dans 400
programmes d'une centaine de pays. Mais cela a souvent eu
des impacts inattendus sur le marché: les prix se
sont mis à descendre alors que les coûts, pour
les agriculteurs, n'avaient pas encore diminué. Ces
agriculteurs ont donc commencé à être
payés moins cher pour une production qui leur coûtait
toujours aussi cher.
Dans le cas de l'Afrique, ce n'est généralement
pas avant 1980 que les cultures proprement locales ont commencé
à profiter de la révolution verte. Avec peu
d'aides du secteur privé, contrairement aux promesses
initiales, et peu de contributions des gouvernements locaux.
Où en serions-nous s'il n'y avait carrément
pas eu de révolution verte? Les progrès technologiques
auraient tout de même fait leur oeuvre, mais en l'absence
d'une recherche scientifique intensive, la productivité
aurait été beaucoup moins forte dans les pays
en voie de développement: selon les auteurs, la croissance
1960-2000 n'aurait été que de 2,4 à
4,8% (contre 21%). Les prix, en revanche, seraient demeurés
constants, au Nord comme au Sud, en l'absence d'une pression
supplémentaire sur le marché. La planète
n'aurait pas été frappée par la crise
alimentaire appréhendée, les pays du Sud auraient
même eu de quoi augmenter leurs exportations vers
le Nord et ce d'autant mieux que le Nord n'aurait
pas, lui non plus, augmenté significativement sa
production agricole.
En revanche, le nombre moyen de calories qu'ingère
un être humain serait, lui, en baisse par rapport
à 1960 en bonne partie, bien sûr, dans
les pays pauvres. La proportion d'enfants victimes de malnutrition
serait donc plus élevée. Car la révolution
verte, c'était aussi ça: des champs plus productifs
et plus riches en protéines. Ne serait-ce que pour
cela, elle en valait le coût.
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