
Le 11 décembre
2003

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Là où nul n'est jamais allé creuser
(Agence Science-Presse) - Ils vont creuser
à 50 mètres de profondeur... sous l'océan.
Et comme s'ils tenaient absolument à augmenter le
niveau de difficulté, ils ont choisi l'océan
Arctique.
En août prochain, les glaces auront
à peine reculé que trois brise-glaces escorteront
depuis la Sibérie vers le Pôle Nord un navire
à la mission un peu spéciale: le plus ambitieux
projet de forage océanique jamais entrepris. Un projet
qui, s'il réussit, permettra de remonter de 50 millions
d'années en arrière -et ce ne sera qu'une
première étape.
On appelle ça le Integrated Ocean
Drilling Program (IODP). Il réunit les États-Unis,
le Japon et 15 nations européennes et il est encore
tout chaud: il est né le 1er
octobre. Il succède au Ocean Drilling Program
qui, depuis pas moins de 20 ans, creuse des trous aux quatre
coins du globe -ou plutôt des océans. En 20
ans, ce programme a ramené à la surface des
tonnes de cailloux et de sédiments qui ont fourni
des informations inédites sur les climats passés,
l'évolution du champ magnétique terrestre,
la géologie, la naissance de l'Himalaya de même
que la preuve d'une chute de météorite, il
y a 65 millions d'années -celle-là même
qui a mis fin à la carrière des dinosaures.
Cet ambitieux programme ne bénéficiait
pourtant que d'un seul navire, l'américain JOIDES
Resolution, et c'est la raison pour laquelle, depuis le
milieu des années 90, les experts en la matière
planchent sur une phase deux pour leur programme
international de forage sous-marin. Le résultat,
c'est l'IODP. Un programme prévu pour durer au moins
10 autres années.
Et si sa première mission est dans
le Grand Nord, c'est précisément parce que
c'est une région où le Resolution ne pouvait
pas se rendre. Le géologue suédois Jan Backman,
de l'Université de Stockholm, avait identifié
dès 1996 la chaîne Lomonosov, une chaîne
de montagnes sous-marines qui serpente autour du Pôle
Nord et qui permettrait d'accumuler des données sur
les changements climatiques dans cette région virtuellement
inconnue.
En théorie, cette phase deux, avec
les technologies qui sont désormais à leur
disposition, et avec un navire japonais de 500 millions$,
le Chikyu, spécialement conçu pour ce travail,
devrait permettre aux géologues de forer jusqu'à
sept kilomètres sous le plancher sous-marin. Ce ne
sera pas pour la première mission, la météo
locale leur promettant déjà suffisamment de
fil à retordre. Mais cela permettra un jour, comme
le disent les héros de Star Trek, d'aller
là où nul n'est jamais allé.
Sept kilomètres, qu'est-ce que cela
signifie? Presque une zone mythique pour les géologues:
la couche supérieure de la croûte terrestre
fait environ 75 kilomètres d'épaisseur sous
la terre ferme, mais seulement 10 kilomètres sous
l'océan. En-dessous commence la zone appelée
le manteau: 2800 kilomètres jusqu'au noyau. Une zone
où se décident les mouvements de plaques tectoniques
et par conséquent, les séismes. Une zone,
le manteau, où jamais l'homme n'a mis le doigt, et
pour cause: des pressions inimaginables, des températures
dépassant les 1000 degrés Celsius. Avec le
démarrage de ce projet appelé IODP, jamais
les scientifiques ne s'en seront approché autant.
Pour un géologue, c'est l'équivalent d'un
astronome à qui on offrirait de pouvoir enfin observer
un trou noir de près.
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