Et pendant que les Etats-Unis et leur
nouvel allié, la Russie, refusent toujours
de signer Kyoto, alléguant que la preuve
de son utilité n'a pas été
faite, d'autres recherches continuent de s'empiler
pour démontrer, chaque fois un peu plus,
que l'activité humaine est la principale
responsable de l'augmentation de la température
depuis 50 ans.
La nature a sa part de responsabilités,
mais même en mettant les choses au pire pour
elle, l'influence humaine "est maintenant largement
suffisante pour dépasser les limites des
variations naturelles", lit-on dans une analyse
que publie la dernière édition de
la revue Science.
La seule incertitude, et elle est
de taille, est de savoir à quel rythme se
feront les changements. A quel rythme augmentera
la température moyenne du globe, à
quel rythme augmentera le niveau des eaux, à
quel rythme se multiplieront les situations extrêmes:
ouragans, tempêtes et précipitations
violentes.
Par contre, écrivent Thomas
Karl et Kevin Trenberth, de l'Administration nationale
des océans et de l'atmosphère et du
Centre national de recherche atmosphérique
(Colorado), on s'entend sur une chose: quel que
soit le poids de l'influence humaine, ce poids va
s'accroître de plus en plus rapidement, parce
que les dégâts que l'humain laisse
derrière lui s'accumulent avec le temps.
Cette analyse est publiée au
moment même où, à Milan, en
Italie, sont réunis jusqu'au 12 décembre
quelque 4000 délégués du 9e
Congrès des Nations Unies relatif à
la Convention sur les changements climatiques. Un
congrès censé faire le point sur l'entente
de Kyoto... ou ce qu'il en reste. Il y est également
question des derniers rapports scientifiques sur
les émissions de gaz à effet de serre
et les changements climatiques, rapports qui ne
laissent plus guère de place au doute.
Peu de gens croyaient sérieusement
lors du 8e Congrès, l'an
dernier, que les objectifs de Kyoto soient atteints.
En fait, il y a des années que même
les plus optimistes évitent de faire des
prévisions. Mais plus les années passent
et plus la chose devient claire: même si,
par miracle, les Américains et les Russes,
ces deux gros joueurs qui, en refusant de signer,
empêchent que l'entente ne devienne officielle,
même si ces deux-là donc, se ralliaient
à Kyoto, les objectifs fixés en 1997
resteraient inatteignables: les dernières
estimations prévoient que les gaz à
effet de serre émis par les pays industrialisés
seront, en 2010, de 17% supérieurs à
ce qu'ils étaient en 1990.
Soixante-quatorze pays ont signé
Kyoto, et certains ont déjà mis en
application des législations pour tenter
de s'y conformer, mais même à leurs
niveaux nationaux, ils seront peu nombreux à
avoir ramené leurs émissions en-dessous
du plancher de 1990.
Parmi les discussions à l'ordre
du jour de Milan, figure aussi en tête de
liste la question des forêts comme "aspirateurs
de carbone". Après des années, on
n'est toujours pas parvenu à s'entendre sur
la façon de calculer les "crédits
de pollution" qu'un pays pourrait obtenir s'il plantait
davantage d'arbres. Aucun calcul ne fait l'unanimité
et de plus, le principe même, s'il n'est pas
rejeté du revers par les écologistes,
ne les fait pas bondir d'enthousiasme non plus:
emprisonner dans les arbres les gaz à effet
de serre que nous produisons en trop peut se défendre
à court terme, mais n'est pas l'idéal
à long terme.
Enfin, à mesure qu'approche
l'échéance fixée par Kyoto,
il faut commencer à regarder au-delà.
Que diable pourront bien être les objectifs
de dépollution et d'assainissement de l'eau
et de l'air que les nations se donneront après
2010
si elles ne sont même pas parvenues
à s'entendre sur les vieux objectifs de 1997?