
Le 19 mars 2003

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Pourquoi l'Islam a-t-il négligé la science?
(Agence Science-Presse) - On ne saurait trop
répéter qu'en temps de conflit moins encore
qu'en tout autre temps, les préjugés à
l'égard d'un peuple ne devraient pas avoir leur place.
Et pourtant, il est une image que même les scientifiques
de pays musulmans ne nient pas: un univers de plus d'un
milliard d'habitants, s'étendant du Maroc jusqu'en
Indonésie, traîne la patte en matière
de science.
Ce n'est pas une question d'argent, puisque
certains de ces pays, revenus du pétrole aidant,
figurent parmi les plus riches du monde et abritent des
universités qui n'ont pas à rougir de leurs
comparses européennes ou nord-américaines.
Bien qu'il soit vrai que, lorsqu'on considère cet
univers dans sa globalité, le taux d'analphabétisme
y est élevé, et le PNB total, inférieur
à celui de l'Allemagne.
Mais qu'a-t-il bien pu se passer depuis l'époque,
il y a un millier d'années, où le monde musulman
était le coeur scientifique et culturel de la planète?
Les ministres de la Recherche et les directeurs des académies
scientifiques de ces pays étaient réunis au
début du mois à Trieste, en Italie, pour se
poser cette question et se demander du même coup ce
qui devrait être fait pour rattraper ce retard. La
rencontre était organisée par le Comité
inter-académie sur les questions internationales,
dans le cadre d'un effort international pour renforcer le
rôle de ces académies scientifiques nationales
-dans l'espoir qu'elles deviennent des interlocuteurs-clefs
de leurs gouvernements respectifs.
Car s'il y a une chose sur laquelle tous s'entendent,
c'est bien que l'interface entre les dirigeants de la communauté
scientifique et les dirigeants politiques est faible, voire
inexistante. "Les chefs politiques des nations islamiques
n'apprécient pas l'importance de la recherche scientifique
pour le développement de leurs pays", résume
la revue Nature. Plusieurs des conférenciers
ont souligné les normes en éducation qui laissent
à désirer, un manque d'intérêt
du public à l'égard de la science -air connu-
et l'accent mis sur les dépenses militaires.
Peu ont osé s'aventurer sur le lien
possible entre la pratique religieuse et le faible intérêt
pour la science. Il faut au contraire souligner tous ces
siècles de domination scientifique écrasante
du monde musulman, à l'époque où l'Europe
se relevait péniblement de la chute du monde antique.
Le fondamentalisme, alors? A tout le moins,
s'il n'est pas responsable, une meilleure éducation
et un meilleur savoir, notamment scientifique, pourraient
devenir des armes contre les extrémismes de toutes
sortes.
Le manque de démocratie, certainement
une tare plus répandue dans ces pays que dans ceux
d'Europe, du moins pour l'instant? Adnan Badran, président
de l'Académie des sciences du Liban, et ancien directeur-adjoint
de l'Unesco, se dit convaincu que l'absence de liberté
d'expression constitue la première cause de l'absence
d'une culture scientifique vibrante. "Les régimes
oppresseurs gênent la créativité des
scientifiques." Mais cela n'explique pas que la science
ait pris un pareil essor en Occident au cours des derniers
siècles, même dans des régimes qui n'étaient
pas particulièrement ouverts.
Tous ces arguments sont politiques, et ne
devraient pas avoir leur place dans une réunion de
scientifiques, s'objecte Mohamed Falougi, directeur adjoint
de l'Organisation islamique pour l'éducation, la
science et la culture. Mais alors, où auront-ils
leur place? Et qui décidera du dialogue entre scientifiques
d'ici et de là-bas, si ce ne sont les scientifiques
eux-mêmes?
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