Ces micro-organismes artificiels pourraient
être utilisés, à l'image de
certains micro-organismes naturels, pour nettoyer
des zones polluées, voire des nappes de pétrole.
Ou pour pomper de l'hydrogène nécessaire
à l'alimentation de futures piles à
combustible.
Mais tout cela relève pour
l'instant de la science-fiction. Les premières
questions des journalistes, la semaine dernière,
ont plutôt porté sur les risques de
bioterrorisme. Ainsi que sur les risques écologiques:
qu'arrivait-il
si cette bestiole microscopique s'échappait
de son laboratoire?
A cette dernière question,
le directeur de cette recherche, l'omniprésent
Craig Venter, peut au moins répondre avec
assurance: "rien". Le virus créé par
son Institut pour des énergies biologiques
alternatives à Rockville (Maryland) a été
conçu pour une seule tâche, et serait
incapable de survivre dans la nature. Il ne comporte
aucun danger pour l'homme. En sera-t-il de même
pour ses successeurs?
Il s'agit en fait du second virus
créé de façon artificielle,
à partir d'ingrédients disponibles
dans le commerce. Mais la percée réside
cette fois dans la rapidité: le premier,
un poliovirus, avait été complété
en 2002 par Eckward Wimmer et ses collègues
de l'Université d'État de New York,
après trois ans de travail. Le petit nouveau,
baptisé phi-X174, n'a pris que deux semaines,
selon ce qu'a déclaré Craig
Venter en conférence de presse jeudi dernier.
Et c'est cette méthode que
Craig Venter était fier d'annoncer, d'autant
qu'il espère la voir commercialisée
le plus vite possible, par ceux qui ont intérêt
à "fabriquer" un virus ou une bactérie
à des fins très précises: en
tête de liste figurent les compagnies spécialisées
dans la lutte contre la pollution, et les multinationales
agro-alimentaires en lutte contre les parasites.
On n'en est toutefois pas encore à
fabriquer une bactérie, par définition
plus grosse et plus complexe qu'un virus. Mais
c'est l'étape suivante, a annoncé
Venter. "Nous avons la technologie pour nous conduire
à cette nouvelle et excitante frontière."
Son équipe souhaite mélanger
des gènes de différents organismes
afin d'accoucher d'un génome qui ferait au
moins 300 000 paires de base de long. Juste assez
pour qu'une bactérie soit viable, estime-t-on.
Quant au virus produit, dont la séquence
génétique sera publiée sous
peu dans les Proceedings of the National Academy
of Sciences, il comportait 7500 paires de base:
le travail qui avait pris trois ans à leurs
prédécesseurs, consistait notamment
à éliminer les erreurs génétiques,
une par une, par exemple en se débarrassant
des oligonucléotides (fragments d'ADN) qui
camouflent des mutations potentiellement néfastes.
La source d'inspiration première était
un virus qui existe déjà, et dont
on a décodé depuis longtemps le bagage
génétique, le phiX, lequel infecte
les bactéries -mais pas les humains.
C'est ce travail de moine que la technologie
mise au point par l'équipe Venter dans
la foulée des technologies mises au point
pour décoder plus rapidement le génome
humain permet de compléter plus rapidement.
Le phiX794 serait en bonne partie
impossible à distinguer de sou cousin naturel.
Il peut lui aussi infecter les bactéries
et les tuer, d'où son intérêt
dans une perspective anti-pollution.
Et les risques, eux? Les promesses
soudain générées par cette
technologie ont pour conséquence que, du
côté scientifique, on les balaie sous
le tapis. "Les bénéfices de cette
nouvelle technologie l'emportent sur les risques",
évalue dans les pages de Nature l'expert
en santé publique Stephen Morse, de l'Université
Columbia (New York).