Le génome du chien a donc rejoint,
la semaine dernière, la courte liste des êtres
vivants qui, avec l'humain, la souris, le plant de riz
et des dizaines de bactéries, ont vu leur génome
entièrement "cartographié". Et ce n'est
pas n'importe quel chien qui a eu l'honneur d'être
ainsi analysé: c'est Shadow, le caniche de Craig
Venter, le chercheur de grand talent mais qu'on accuse
d'être un tantinet mégalomane, lui qui
fut aussi responsable du premier décodage, par
une compagnie privée, du génome humain.
Venter a, incidemment, reconnu cette année que
le génome humain utilisé pour ce premier
décodage, en 2001, avait été le
sien. Une affaire de famille, en somme.
Au-delà de l'anecdote, le génome
du chien, et ceux d'autres espèces en cours de
décodage, a plusieurs raisons: il doit servir
en théorie à
mieux comprendre des maladies qui, comme l'épilepsie,
la narcolepsie, les troubles obsessifs-compulsifs, certaines
maladies oculaires ou certains cancers, ont des causes
en partie génétiques. Ainsi, le fait que
18 473 gènes du chien soient communs aux gènes
humains (on estime le nombre de nos gènes à
25 000) est déjà révélateur
de la parenté; en comparaison, la souris n'a
"que" 18 311 gènes communs à l'humain.
C'est ce qu'on appelle la génomique
comparée, une nouvelle discipline qui, depuis
quelques années, se taille une place de choix
dans les universités, avec la quantité
astronomique de données qui s'accumulent de jour
en jour.
Un tel décodage ouvre par ailleurs
énormément de pistes sur la biologie du
chien et son évolution: ainsi, les chercheurs
ont déjà constaté que le chien
a beaucoup plus de gènes liés à
son odorat que nous...
Il reste encore beaucoup de trous à
combler dans cette carte, reconnaît Ewen Kirkness,
de l'Institut de recherche génomique à
Rockville (Maryland), l'Institut fondé par Craig
Venter, qui a dirigé ce travail, publié
dans la revue américaine Science. C'est
un genre de brouillon (environ 80% de l'ensemble du
bagage génétique du chien a été
passé en revue) qui gagnera à être
complété, mais qui contient d'ores et
déjà plusieurs informations inédites
-de quoi alimenter bien des recherches et conduire à
bien d'autres articles scientifiques.
Le chien possède 39 paires de chromosomes
(contre 23 pour nous) qui se décomposent en 2,4
milliards de paires de base (contre 2,9 pour nous).
D'une race à l'autre, les chiens sont à
plus de 99% identiques. On leur connaît plus de
350 maladies génétiques, soit plus que
chez n'importe quel animal (mais les chiens ont sans
doute droit à plus d'attention médicale
que n'importe quel autre animal, ce qui explique qu'on
sache autant de choses sur eux!). Environ 10% des Irish
setters, par exemple, sont porteurs d'un gène
affaiblissant leur système immunitaire.
Parallèlement, un autre projet,
commandité par le gouvernement américain
celui-là (l'Institut national de recherche sur
le génome humain), est en train de compléter
une carte d'un autre chien (un boxer), plus complète
celle-là. Les résultats devraient être
publiés d'ici le début de 2004.