
Le 29 juillet 2004

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Nature et culture des animaux
(Agence Science-Presse) - Les humains sont
influençables. Mais les animaux aussi. Des études
éparpillées commencent à convaincre
les biologistes que des animaux peuvent modifier spontanément
leur comportement, sur la base de comportements de leurs
congénères. Ou plus spécifiquement,
sur la base d'indices que leurs congénères
leur envoient involontairement.
En d'autres termes, ces animaux sont de fins
observateurs, écrivent dans la revue Science
quatre chercheurs d'autant de pays, dont la France et le
Québec, dans le cadre d'une revue de la littérature
sur "l'information publique" l'information émise
"publiquement" par les animaux.
Il y a deux façons d'acquérir
de l'information sur notre environnement, rappellent-ils.
Par essais et erreurs, ou par l'observation des autres.
C'est cette deuxième option qui intéresse
ici. Elle-même se décompose en deux catégories:
les indices laissés volontairement par l'autre la
mère, par exemple, qui indique à ses petits
où ils peuvent trouver de la nourriture et
les indices laissés involontairement par celui qui,
à l'insu du groupe, vient de manger, de dormir ou
de s'accoupler dans un endroit sécuritaire et
dans ces cas-là, cela nécessite un plus grand
esprit d'observation.
Exemple, les rats de Norvège. Lorsqu'ils
font face à un nouveau type de proie, ils vont observer
l'état de santé des compagnons qui ont déjà
grignoté la proie en question avant de décider
de varier eux aussi leur menu. Autre exemple, le geai de
brousse, qui observe où ses congénères
ont caché leur nourriture... et s'en empare dès
qu'il en a l'occasion.
L'avantage est donc évident pour "l'espion":
il réduit les risques de la méthode "essais
et erreurs". D'un point de vue bêtement darwinien,
meilleur est son sens de l'observation, meilleures sont
ses chances de survie: il détient de l'information
que les autres n'ont pas.
Mais les quatre auteurs, dont Luc-Alain Giraldeau,
du département des sciences biologiques de l'Université
du Québec à Montréal, et Etienne Danchin,
du CNRS français, poussent leur réflexion
encore plus loin. Cette acquisition d'information notamment
la façon dont tel mâle a réussi à
séduire telle femelle, une "stratégie" qui
sera dès lors copiée conduit tout droit
à ce qu'un biologiste appelle, faute de meilleur
terme, "une évolution culturelle": si tel comportement
est copié à l'intérieur d'un groupe,
puis re-copié, puis re-re-copié, ce groupe
développe donc un comportement distinct des autres
groupes bref, un trait culturel. Ce n'est pas un trait
de caractère inné: c'est un comportement acquis,
qui peut même se transmettre d'une génération
à l'autre.
On est donc rendu bien loin des animaux simplement
"influençables". On est entré de plain-pied
dans un tout nouveau volet de l'évolution des espèces,
mais une évolution qui va bien au-delà des
simples traits physiques. Un volet de l'évolution
qui a été singulièrement négligé
depuis un siècle et demi, fasciné que nous
étions par l'évolution des ossements, des
crânes et des dents...
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