
Le 9 mai 2005

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Fusion tiède
(Agence Science-Presse) - Un réacteur
nucléaire dans un appareil qui pourrait tenir sur
votre bureau? Le rêve resurgit à peu près
une fois par année. Dans sa version 2005 toutefois,
il semble être pris un peu plus au sérieux
que d'habitude.
Deux physiciens américains, Seth Putterman
et Brian Naranjo, de l'Université de Californie à
Los Angeles affirment avoir réussi, avec leur équipe,
à générer une fusion nucléaire
au sein d'un dispositif qui, s'il est complexe aux yeux
du profane, n'en est pas moins 100 000 fois moins complexe
que le lieu où se fait normalement la fusion nucléaire:
le cur de notre Soleil.
S'agit-il d'un retour de la mythique fusion froide,
annoncée en grandes pompes il y a 16 ans puis
démolie à fur et à mesure qu'il
devenait évident que l'annonce avait été
grossièrement exagérée? Peut-être
pas. La
voie que ces chercheurs ont suivie est, cette fois,
un peu mieux balisée.
Ils ont suivi une piste ouverte en 1992 lorsqu'un
nommé James Brownridge, de l'Université
d'État de New York, avait généré
des rayons X en chauffant à 100 degrés
Celsius des cristaux de lithium tantale.
Rien de sorcier jusque-là: parce que ce cristal
est asymétrique, vous expliqueront les physiciens,
le fait de le réchauffer a pour conséquence
de faire "migrer" les charges positives et négatives
vers les extrémités opposées
du cristal. Résultat: un champ électrique
naturel, qu'on appelle un champ pyroélectrique.
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Qu'est-ce
que la fusion froide?
Le
rêve a surgi en 1989, lorsque deux ingénieurs
de l'Université de l'Utah, Martin Fleischmann
et Stanley Pons, ont affirmé être parvenus
à une "production de chaleur" dans leur laboratoire,
à la température de la pièce.
Mais
l'annonce est sujette à caution: non seulement
l'ont-ils fait avant d'avoir publié leurs résultats,
dans une stratégie qui s'apparentait dangereusement
à un coup publicitaire, mais en plus, malgré
des investissements énormes, notamment au Japon,
jamais qui que ce soit n'a pu reproduire leur expérience.
Alors que celle-ci serait pourtant censée se
produire dans un banal bocal d'eau contenant du deutérium.
Lire
à ce sujet:
Quinze
ans plus tard, la fusion froide est toujours sur la
glace
|
Rien de sorcier, mais encore fallait-il qu'un
physicien songe que ce phénomène naturel pouvait
engendrer des rayons X. Et une fois que ce physicien l'avait
démontré, encore fallait-il qu'un autre le
dénommé Seth Putterman se demande si
ce champ électrique ne serait pas assez puissant
pour engendrer une fusion nucléaire.
Autrement dit, cette percée consisterait
tout bonnement à profiter des propriétés
de ce cristal déjà présentes dans
la nature et à jongler avec elles. Selon
ce que ces chercheurs ont publié dans la revue
britannique Nature, leur procédé
consiste à baigner leur cristal de lithium tantale
dans un gaz de deutérium, puis à refroidir
le tout à moins 33 degrés Celsius et à
le réchauffer pendant trois minutes et demi à
7 degrés Celsius. |
Autres
textes
En
2002, on a cru, à tort, avoir ouvert une
nouvelle voie pour la fusion froide: la sonoluminescence,
un phénomène connu des physiciens,
par lequel des ondes sonores passant à travers
un fluide créent des bulles minuscules. Sous
certaines conditions, ces bulles envoient un infime
jet de lumière lorsquelles éclatent.
Lire
ce
texte sur l'annonce de mars 2002, suivi de sa
réfutation en juillet.
|
On croirait entendre une recette de cuisine,
et on est en effet très loin des millions de degrés
de la fournaise solaire ou des prototypes de réacteurs
à fusion nucléaire.
Par conséquent, si ces chercheurs ont
raison, est-on sur le point de disposer d'une source d'énergie
illimitée le Soleil brille sans interruption
depuis 5 milliards d'années pour
un coût dérisoire? Malheureusement non.
Les auteurs soulignent à grands traits qu'ils n'ont
pas mis au point une nouvelle source d'énergie: leur
expérience produit quelques centaines de neutrons
par seconde, alors qu'un réacteur nucléaire
commercial aurait besoin d'en produire... des dizaines de
millions par seconde.
"A ce niveau, c'est une curiosité et
un objet de laboratoire" commente pour Science Michael
Saltmarsh, physicien et expert en neutrons au Laboratoire
Oak Ridge (Californie). Un bon appareil pour faire des démonstrations
d'éjections de neutrons dans des classes de physique.
Mais qui révèle combien ceux qui rêvent
de fusion nucléaire à froid et à bas
prix sont encore très loin de la réalité...
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