
Le 17 mars 2005

Retour
au sommaire des capsules
La science rattrape la légende
(Agence Science-Presse) - Une
légende prétend que les Mlabri, population
d'environ 300 chasseurs-cueilleurs habitant les profondeurs
de la jungle d'Asie du Sud-Est, descend de deux enfants
bannis de leur communauté d'agriculteurs. Il a fallu
l'arrivée de la génétique pour confirmer
que ce n'est pas une fable.
Il y a des centaines dannées,
les ancêtres des Tin Prai, une population dagriculteurs,
auraient en effet banni deux enfants et les auraient placés
sur un radeau pour que la rivière les emporte au
loin. Ces enfants, un garçon et une fille, auraient
fui dans la forêt et auraient subsisté de chasse
et de cueillette, devenant ainsi les membres fondateurs
des Mlabri, la seule tribu de chasseurs-cueilleurs de cette
région (à cheval entre la Thaïlande et
le Laos).
" Étonnamment,
cette histoire saccorde avec les évidences
génétiques et linguistiques ", notent
des chercheurs de l'Institut Max Planck d'anthropologie
de l'évolution à Leipzig, en Allemagne, dont
les travaux sont publiés dans lédition
électronique du PLos
Biology
de ce mois-ci.
Ils ont constaté que
les Mlabri présentent une très faible diversité
génétique et, fait remarquable, des séquences
dADN mitochondrial identiques: cela signifie quils
proviennent dun pool génétique très
limité, peut-être composé dune
seule femme lADN mitochondrial étant
un type dADN transmis uniquement par les femmes
et dau plus quatre hommes. Les chercheurs ont également
découvert que les Mlabri partagent des séquences
dADN mitochondrial avec les groupes agricoles voisins.
Or, des recherches antérieures ont démontré
qu'en général, les populations de chasseurs-cueilleurs
de vieille souche ne partagent que très peu dADN
mitochondrial avec les populations agricoles: autrement
dit, chasseurs et cultivateurs n'ont pas l'habitude de se
mêler.
La concordance avec la légende
ne sarrête pas là. Lanalyse linguistique
supporte cette filiation et apporte même des précisions
sur le groupe dagriculteurs d'où proviendraient
les Mlabri. Certains éléments de vocabulaire
lient la langue des Mlabri à celle des Tin Prai:
toutes deux descendraient d'une souche commune. De plus,
le temps estimé depuis la séparation des deux
langues est comparable à celui avancé par
létude génétique. Les scientifiques
en concluent donc que les Mlabri ont évolué
à partir dun très petit nombre dindividus,
500 à 1000 ans auparavant. La science a rattrapé
le mythe.
Anny Guindon
Capsule
suivante
Retour
au sommaire des capsules
Vous aimez cette capsule? L'Agence Science-Presse
en produit des semblables -et des meilleures!- chaque
semaine dans l'édition imprimée d'Hebdo-science
et technologie (vous désirez vous abonner?).
Vous voulez utiliser cette capsule? Contactez-nous!
|