On l'appelle le virus Marbourg, ou la fièvre
hémorragique Marbourg. Relativement rare, il apparaît
et disparaît sporadiquement, à l'image de son
cousin Ebola, depuis qu'on l'a identifié pour la
première fois, il y a 37 ans. Cette fois-ci, on lui
attribue près de 200 morts dans quatre pays d'Afrique
centrale, au cours des derniers mois seulement et
c'est sans compter ceux qui ont dû échapper
aux écrans radar avant que l'alerte ne soit lancée.
C'est d'ores et déjà le bilan
le plus grave de l'histoire du virus Marbourg, et le nombre
de décès continue d'augmenter de jour en jour:
le sommet de la pandémie n'est pas encore atteint,
affirme l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Il est apparu dans le Nord de l'Angola en
octobre, mais ce n'est que le 18 mars que le ministère
de la Santé de l'Angola a fait état d'un mal
hémorragique d'origine inconnu, et le 22 mars seulement
que le virus a été formellement identifié,
dans les laboratoires du Centre de contrôle des maladies
d'Atlanta. Le 30 mars, l'OMS recensait officiellement 132
cas, dont 127 mortels, dans sept des 18 provinces de l'Angola.
Le
8 avril, on en était à 174 décès
sur 200 cas recensés, et l'OMS recommandait aux
quatre pays voisins de se mettre en état d'alerte:
le Congo, la République démocratique du Congo,
la Namibie et la Zambie.
Les trois quarts des victimes sont âgées
de moins de 5 ans, ce
qui fait planer l'hypothèse que le virus ait pu être
transmis par des seringues contaminées, lors
de campagnes de vaccination.
"Cela va devenir pire avant de s'améliorer",
a
résumé à l'Agence France-Presse
le directeur adjoint aux maladies infectieuses à
l'OMS, Anarfi Asamoa-Baah. Il peut s'écouler 5 à
10 jours entre le moment de l'infection et celui des premiers
symptômes, en apparence bénins: fièvre,
diarrhée, nausées, douleurs musculaires...
Inutile d'ajouter que l'équipement
médical de pointe fait cruellement défaut
dans ces régions, en dépit de l'aide urgente
acheminée depuis la semaine dernière par l'Organisation
des Nations Unies et divers pays, dont le Canada. La guerre
civile y est endémique dans plusieurs provinces.
Enfin, l'information de base manque elle aussi cruellement,
notamment aux 14 millions d'Angolais qui devraient idéalement
être prévenus que le mal peut se transmettre
par contact direct avec le sang et les fluides des personnes
atteintes ou décédées.
Mais les scientifiques sont eux aussi perplexes,
devant un mal qui tue encore plus que lors de ses autres
visites: le taux de mortalité est pour l'instant
de 85%, alors qu'il s'établissait plutôt à
25 ou 30%. Il n'est pas impossible que ce chiffre élevé
soit dû en partie au fait que de nombreuses personnes
atteintes du virus ont confondu cela avec une vilaine fièvre,
et n'ont donc pas été recensées. D'un
autre côté, lors de la plus grosse pandémie
de Marbourg jusqu'ici, survenue entre 1998 et 2000 en République
démocratique du Congo, le taux de mortalité
avait été estimé à 80%...
On n'est pas non plus parvenu à identifier
son origine, ce qui permettrait peut-être de concentrer
les efforts sur l'épicentre de la pandémie
et d'en savoir plus sur son degré de virulence.
Pascal Lapointe