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La fourmi et la supernova
Imaginez un gâteau aux raisins. Et maintenant,
imaginez une fourmi qui, après la longue ascension de la table de
la cuisine, découvre ce gâteau aux raisins. Il dégage
un tel arôme que ses antennes en frétillent. La fourmi, sans
plus attendre, grimpe sur l'assiette. Puis sur le gâteau. Et la voici
sur l'un des raisins séchés, à lui seul dix fois plus
gros qu'elle. Magnifique.
Mais que se passe-t-il? La chaleur n'est-elle pas en train d'augmenter de
plusieurs degrés? La pauvre fourmi l'ignore, mais le gâteau
vient d'être mis au four. Encore quelques degrés, et elle sera
carbonisée. Rapidement, elle ouvre son panier à pique-nique
-ne vous avais-je pas dit qu'elle était partie en pique-nique?- et
en sort la cargaison de glace -on n'est jamais trop prudent! Elle s'infiltre
dans un des orifices du raisin, met de la glace partout où elle peut,
et attend. Et attend.
Comme elle peut examiner les environs, elle constate rapidement un phénomène
curieux: tous les autres raisins semblent s'éloigner d'elle. La fourmi,
n'étant pas plus bête qu'une autre fourmi, sait qu'un raisin,
ça ne marche pas tout seul. De plus, son raisin à elle, n'a
pas vu des jambes lui pousser soudain.
La fourmi forge alors une théorie: l'Univers, pardon, le gâteau,
est en train de prendre de l'expansion. Peut-être, se dit-elle, est-ce
là le résultat d'une impulsion initiale, un gros coup -appelons
ça un big bang- de chaleur. Puisque l'ensemble du gâteau grossit,
cela signifie que les raisins ne s'éloignent pas vraiment du raisin
de la fourmi: ils s'éloignent tous les uns des autres.
Mais combien de temps cette expansion durera-t-elle? En théorie,
tant qu'il y aura de la matière pour le lui permettre.
La question suivante, évidemment, à laquelle la fourmi
n'a aucun moyen de répondre, c'est: de combien de matière
dispose l'Univers -pardon, le gâteau? Une fois atteint un point d'expansion
maximal, la force de la gravité fera-t-elle en sorte que tout reconvergera
vers son point de départ? La fourmi ne peut répondre à
cette question, parce qu'elle est incapable de mesurer toute la matière
contenue dans le gâteau: une partie lui est cachée.
Mais nous sommes dans la même situation: une partie de la masse
totale de l'Univers nous est cachée: on l'appelle la matière
sombre. Ou bien cette matière forme une portion très importante
de la matière totale de l'Univers, la plus importante -auquel cas
l'expansion finira un jour, la gravité ramenant tout le monde vers
son point de départ; ou bien cette matière sombre en forme
une partie minime, insuffisante pour empêcher l'expansion de prendre
fin. Au
cours des dernières années, c'est la première hypothèse
qui a ramassé de plus en plus d'adhérents.
Le cosmos en pleine accélération
Si vous avez lu les journaux en fin de semaine, vous savez déjà
qu'une équipe internationale de 15 astronomes a fait une découverte
qui non seulement favorise la première hypothèse -l'expansion
infinie- mais qui, et c'est ça la surprise, ajoute un fait entièrement
nouveau: l'expansion semble s'accélèrer. Si notre modèle
de l'Univers est juste, elle devrait au contraire ralentir -comme le gâteau
qui approche de son expansion maximale. Même si le gâteau devait
poursuivre son expansion indéfiniment, la vitesse de cette expansion
ralentirait tout de même: elle ralentirait très, très
lentement certes, infiniment lentement. Mais on pourrait tout de même
parler d'un ralentissement.
Mais une accélération de l'expansion? Impossible, dans
un univers gouverné par la gravité. A moins qu'une autre force,
encore inconnue, ne soit à l'oeuvre. Une force "anti-gravité",
en quelque sorte.
Utilisant le télescope spatial Hubble et des télescopes
à Hawaii, en Australie et au Chili, les 15 astronomes ont mesuré
avec une précision inégalée jusqu'ici les restes de
14 supernova -des étoiles qui ont explosé- à des distances
variant entre 7 et 10 milliards d'années-lumière (!!!). Puis,
ils ont mesuré la vitesse à laquelle ces étoiles s'éloignent
de nous. Résultat: elles sont 10 à 15% plus loin qu'elles
ne devraient l'être.
Pour Rocky Kolb, de l'Université de Chicago, qui
co-signe un article dans la revue Science, cette découverte est
si stupéfiante "que tout le monde devrait réserver son
jugement" en attendant d'avoir d'autres preuves.
La physique considère depuis longtemps que l'Univers est gouverné
par quatre forces: la force nucléaire forte, qui maintient les noyaux
des atomes ensembles, la force nucléaire faible, la force électromagnétique
et la gravité. Si cette découverte se confirme, cela signifierait
donc qu'on a découvert une cinquième force universelle -devra-t-on
l'appeler la force répulsive, "celle qui repousse les objets"?
Une telle découverte aurait des répercussions à
tous les niveaux, de l'astronomie jusqu'à la physique des particules.
Chose certaine, si l'Univers est voué à grossir indéfiniment,
et à une vitesse accélérée, viendra un jour,
dans quelques milliards d'années, où nos descendants se sentiront
bien seuls: les étoiles se seront à ce point distancées
que le ciel nocturne sera d'un noir d'encre.
"Ca semble un peu cinglé", déclare au Washington
Post Robert Kirshner, du Centre d'astrophysique Harvard-Smithsonian, et
membre des 15. Mais c'est l'explication la plus simple pour les données
que nous avons."
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