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Faut-il avoir peur des armes biologiques?
Aux Etats-Unis, l'alerte à l'anthrax lancée par deux
illuminés se révèle être fausse. En Irak, on
en est encore à se demander si Saddam, le mal nommé, possède
vraiment un arsenal. A-t-on raison de craindre les armes biologiques? La
réponse, malheureusement, est oui.
On se serait cru dans un film de science-fiction, ou dans un épisode
des X-Files: des agents du FBI ont arrêté la semaine
dernière, à Las Vegas, deux individus, accusés d'avoir
eu en leur possession des agents biologiques très puissants -on a
parlé d'une souche mortelle du bacille du charbon, mieux connu sous
le nom inquiétant d'anthrax- qu'ils auraient soi-disant eu l'intention
de répandre dans le métro de New York. Dimanche, on apprenait
finalement qu'ils n'avaient en leur possession qu'un vaccin vétérinaire
inoffensif.
L'un d'eux, William Leavitt, 47 ans, ancien évêque mormon
avec une formation scientifique, a été libéré
sous caution. L'autre, Larry Wayne Harris, 46 ans, membre d'un groupe d'extrême-droite,
est resté détenu jusqu'à sa comparution, lundi, 23
février.
Fausse alerte? Certes. Mais il n'en demeure pas moins que la menace d'un
"terrorisme biologique" devient de plus en plus tangible, à
mesure que la technologie évolue. Et comme les médias nous
l'ont rappelé depuis le début du mois à propos de l'Irak,
un arsenal biologique est beaucoup plus facile à dissimuler qu'un
arsenal nucléaire...
En dépit de tous les coups qui lui ont été portés
pendant la guerre du Golfe, en 1991, et en dépit de l'embargo depuis,
la capacité
de l'Irak à fabriquer des armes biologiques reste en effet très
forte, analyse le Gateway Journal -coalition de quelques médias
de Virginie. Et même une sous-secrétaire américaine
au Département d'Etat reconnaît que de neutraliser ces armes
est loin d'être évident: quelques heures suffisent pour donner
à un laboratoire fabricant d'armes biologiques l'apparence d'un innocent
laboratoire pharmaceutique ou agro-alimentaire.
Avec une nuance, toutefois: que l'Irak possède ces armes ne signifie
pas qu'il a la capacité de les expédier par des missiles à
longue portée -en Israël, par exemple, ou en Europe, comme certains
esprits apeurés l'ont suggéré.
La guerre biologique, made in Rome
La guerre biologique
n'est pas une chose nouvelle. Les historiens la font remonter jusqu'au
temps des Romains, qui utilisaient des animaux morts pour empoisonner les
réserves d'eau ennemies.
L'utilisation "moderne" remonte à 1918, avec la création
par les Japonais d'une section spéciale de l'armée: l'unité
731. Elle connut son baptême du feu en 1931, avec l'occupation par
les Japonais de la Mandchourie, un territoire chinois: l'unité 731
y eut pour mission de s'approprier une "réserve de matériel
expérimental humain". En d'autres termes, des cobayes. En 1941,
des avions japonais répandirent en au moins cinq occasions le virus
de la peste au-dessus du territoire chinois.
Les Américains apprirent rapidement l'existence du programme de
recherche japonais, et créèrent aussitôt le leur. Avant
même la fin du conflit mondial, ils offrirent l'immunité à
des scientifiques japonais qui, sans cela, auraient été inculpés
comme criminels de guerre, en échange d'informations sur les opérations
de l'unité 731 et sur les expériences menées sur les
cobayes humains.
La Grande-Bretagne avait elle aussi, dès le début de la
guerre, lancé son propre programme d'arsenal biologique, devant la
crainte que l'Allemagne nazie ne soit en train de développer le sien.
Le programme britannique se concentra sur l'anthrax, un virus bien connu
chez les bovins, et chercha à connaître ce que serait son taux
de dispersion, si on l'adaptait à des bombes conventionnelles. L'Ile
Gruinard, au large de l'Ecosse, fut utilisée comme lieu d'expérimentation.
On pensait qu'une île suffirait à éliminer tout risque
de dispersion du virus: grosse erreur. En 1943, une épidémie
d'anthrax décima les troupeaux bovins écossais, juste en face
de l'île. Les expériences furent immédiatement stoppées,
mais aujourd'hui encore, 50 ans plus tard, l'île Gruinard demeure
contaminée.
Au moment de la guerre du Golfe, en 1991, les soldats américains
furent vaccinés contre l'anthrax, contrairement aux dénégations
officielles à l'époque. Il ne fait nul doute pour les experts
que les laboratoires irakiens seraient, aujourd'hui encore, en mesure d'utiliser
cette arme. Mais il n'y a pas qu'eux: en dépit d'accords internationaux
interdisant les armes biologiques, une douzaine de pays, dont la Chine,
sont fréquemment pointés du doigt comme des possesseurs d'un
tel arsenal. Plusieurs pays en voie de développement considèrent
ce type d'arme comme le compromis idéal: une arme de destruction
massive... à bas prix.
Et il n'est pas inutile de rappeler qu'une épidémie causée
par un tel arsenal, on a déjà connu cela: en
1979, des centaines, peut-être des milliers de civils, ont trouvé
la mort lorsque, à la suite d'une erreur de manipulation, une
souche de l'anthrax créée par l'homme s'est échappée
d'un laboratoire militaire soviétique par le système de ventilation,
et a contaminé la ville voisine de Sverdlovsk. Les gens ont commencé
à tomber comme des mouches deux jours plus tard. Les médecins
dépêchés en toute hâte identifièrent rapidement
l'agent comme de l'anthrax, mais ne purent comprendre pourquoi, dans ce
cas-ci, les antibiotiques n'avaient que peu d'effets sur lui.
La version officielle fut que l'épidémie provenait d'une
cargaison de viande avariée. En 1986, une version "glasnost"
établissait le total officiel de morts à 92, mais maintenait
l'histoire de la viande avariée. Ce n'est qu'en 1992 que le président
Boris Eltsine allait officiellement reconnaître que la tragédie
avait été causée par une arme biologique, comme on
le soupçonnait depuis longtemps à l'Ouest.
Depuis la Guerre du Golfe, la prise de conscience du danger posé
par cette terrifiante course aux armements a conduit les militaires, et
en particulier les militaires américains, à augmenter les
mesures de protection pour leurs troupes: de meilleurs masques à
gaz et des systèmes de détection plus efficaces, susceptibles
de donner un préavis de 30 minutes. Mais
tout est encore loin d'être au point, révèle le Philadelphia
Inquirer: les "détecteurs" restent encore, dans beaucoup
de cas, au stade expérimental, et la formation des médecins
militaires reste très incomplète.
Un portrait du chef
de l'arsenal biologique irakien: une femme d'origine britannique, selon
le Gateway Journal
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