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Le créateur de cancer
Comment une cellule normale se transforme-t-elle en cellule cancéreuse?
Pour le savoir, des scientifiques ont créé... une cellule
cancéreuse!
Et leur travail, mine de rien, est monumental: il y a des décennies
que des chercheurs tentent de comprendre le processus derrière la
"cancérisation" d'une cellule. Le fait d'avoir enfin réussi
à reproduire ce processus en laboratoire constitue un immense pas
vers une meilleure compréhension de ce mal.
Cet "événement-phare", comme le qualifie la revue
Nature en éditorial, on le doit à la génétique.
On sait déjà que le cancer est le résultat d'un ou
de plusieurs gènes qui ont mal tourné. Une équipe de
l'Institut de recherche biomédicale Whitehead, au Massachusetts Institute
of Technology, dirigée par Robert Weinberg, a donc créé
cette tumeur en altérant une cellule "normale": plus précisément,
en
altérant quelques gènes-clefs traditionnellement associés
au développement d'un cancer.
Cet exploit avait déjà été accompli sur des
cellules de souris, mais la difficulté, pour des cellules humaines,
s'est avérée beaucoup plus grande que prévu -sans qu'on
ait entièrement compris pourquoi, même aujourd'hui.
Le parcours a été alambiqué: il a d'abord fallu
introduire dans la cellule saine une portion de la télomérase,
une enzyme dont la fonction serait d'empêcher les chromosomes de se
détériorer -et d'ainsi retarder le vieillissement. La télomérase
a parfois été surnommée "gène de l'immortalité",
parce qu'elle peut obliger une cellule à continuer de se multiplier
indéfiniment -ce qui serait effectivement la garantie de l'immortalité;
mais ce qui est aussi, rien n'est parfait, la définition même
du cancer! En
introduisant ce gène dans la cellule saine, les chercheurs ont donc
créé une cellule cancéreuse.
Mais ce n'était pas tout: il a également fallu y introduire
un deuxième gène, baptisé RAS, dont une protéine,
sous une forme "malade", est présente dans plus d'un cancer
sur quatre. Enfin, il a fallu introduire un gène de virus de singe,
dont on sait depuis les années 50 qu'il a la capacité de neutraliser
deux protéines qui servent de "chasseur" de tumeur.
En d'autres termes, il a fallu introduire les responsables de la tumeur,
mais il a fallu aussi leur préparer le terrain, et c'est sur ce dernier
obstacle qu'avaient toujours buté, jusqu'ici, les experts.
"Je pense que c'est un pas très important, déclare
à l'Associated Press Moshe Yaniv, de l'Institut Pasteur, en France.
"Mais nous ne devrions pas donner aux gens l'impression que nous sommes
sur le point de guérir le cancer."
Mais la découverte Weinberg ouvre effectivement la porte à
une nouvelle génération de traitements, qui pourraient cibler
les gènes défaillants, épargnant ainsi les effets secondaires
souvent désastreux des traitements en vigueur, dont en tout premier
lieu la chimiothérapie. Qui plus est, cette stratégie pourrait
-en théorie- permettre d'ajuster le traitement en fonction du type
de cancer -étant entendu qu'il n'y a pas qu'UN cancer, et qu'aucun
expert sérieux ne prétendrait qu'il puisse exister un traitement
permettant de guérir tous LES cancers.
"La cellule demeure encore en bonne partie une boîte noire.
Nous en avons ouvert une partie, à l'extérieur, mais ce qui
se trouve au centre reste encore très obscur", résume
Bill Hahn, oncologue membre de l'équipe Weinberg. |