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En manchettes sur le Net est
une production Agence Science-Presse
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Savez-vous planter des choux... stériles?
On ne parle plus que d'elle, ces dernières
semaines: la firme de biotechnologie Monsanto poursuit en justice des fermiers
américains et canadiens, parce qu'ils ont commis l'épouvantable
affront d'utiliser... leurs semences de l'année précédente.
Il faut dire que la plupart de ces fermiers avaient depuis trois ans
un accord avec Monsanto, un accord par lequel ils étaient tenus de
lui acheter chaque année leurs graines fraîches. C'est cet
accord que la compagnie accuse les fermiers d'avoir violé, en utilisant,
comme les fermiers le font depuis des milliers d'années, les graines
recueillies lors de la récolte de l'année précédente.
Et arrivé à ce stade du texte, vous devez vous en douter,
ce n'est pas de n'importe quelles graines dont on parle. Mais de graines
génétiquement améliorées. Des super-graines
fabriquées par Monsanto elle-même, qui a bien l'intention de
développer là un (très) lucratif marché.
N'empêche que la démarche de Monsanto laisse perplexe, raconte
le Washington Post à la Une de son édition du 3 février:
(en ligne gratuitement jusqu'au 17 février) elle
ne se contente pas de poursuivre, elle envoie des détectives privés
chez les agriculteurs récalcitrants... et elle met une ligne téléphonique
à la disposition de ceux qui se sentent une âme de délateur!
Le Post cite notamment Percy Schmeiser, 68 ans, agriculteur de Bruno,
Saskatchewan, qui a toujours cultivé du maïs sur cette terre.
Et qui est poursuivi par Monsanto pour "piratage de graines".
Cette histoire, souligne le quotidien, pourrait déterminer la façon
dont, dans les décennies à venir, les puissantes compagnies
de biotechnologie contrôleront rien de moins que la chaîne alimentaire
mondiale!
Car s'il s'avère que Schmeiser n'a pas le droit de réutiliser
ses graines de l'année précédente, comme tous les agriculteurs
l'ont fait depuis les origines de l'agriculture, c'est en effet un virage
majeur. S'il s'avère que Monsanto est bel et bien propriétaire
des graines de M. Schmeiser, parce qu'il les lui a vendues et qu'il détient
le monopole sur l'approvisionnement en graines "améliorées",
la porte est ouverte à une relecture de fond en comble de la balance
des pouvoirs en agriculture et en alimentation. Les "graines de discorde"
sont plantées...
La défense des uns et des autres
A sa décharge, Schmeiser affirme n'avoir jamais acheté
de graines de Monsanto. Mais un jour, un enquêteur de la compagnie
américaine l'a appelé, et lui a fait savoir qu'il était
accusé d'en utiliser illégalement. Il lui a demandé
la permission de tester ses plants, ce que l'agriculteur a refusé.
Le détective a donc testé des plants poussant sur le bord
de la route, juste au-delà du champ. Et selon la version de la compagnie,
les résultats se sont révélés positifs: ces
plants porteraient effectivement la "signature génétique"
des super-graines de Monsanto. Un juge a alors autorisé le prélèvement
d'échantillons sur la propriété de M. Schmeiser.
Monsanto a elle aussi des circonstances atténuantes: elle évalue
qu'il faut 10 ans et environ 300 millions$ pour développer un tel
produit -et le produit est réellement d'une efficacité supérieure,
plus résistant aux insecticides et pesticides. Pour chaque semence
génétiquement modifiée qui réussit, 10 000 échouent.
La compagnie a donc choisi de ne pas les vendre, mais de les "louer",
si l'on peut parler de location pour des semences: vous achetez les graines
pour un an, mais si vous voulez les replanter l'année suivante, vous
devez les racheter. Personne n'est en mesure de dire combien il en coûte
à Monsanto pour entretenir son réseau de "surveillance"
-délateurs inclus.
Il y a pourtant une option, appelée
cette semaine par le Time le gène Terminator. Il faudra
encore des années avant qu'il ne soit au point, mais son "pouvoir"
paraît digne de la science-fiction: à la manière d'un
logiciel programmé de façon à interdire toute copie
pirate, ce gène rend la graine stérile. Elle
produit une plante en bonne santé, mais celle-ci ne crée pas
de descendance: autrement dit, elle produit des graines... tout à
fait inutiles.
Il y a près d'un an que le brevet pour ce gène qui n'existe
pas encore a été déposé et depuis, celui-ci
est l'objet de protestations qui -avec l'aide d'Internet- se répandent
comme un feu de brousse. La crainte majeure, c'est celle qu'on entend depuis
deux ans dès qu'il est question de cultures génétiquement
modifiées: la crainte que, portées par le vent, des graines
"améliorées" ne se répandent dans les champs
voisins -qui, eux, sont "normaux". Or, puisque ce dont on parle
ici, c'est d'une graine porteuse du gène de la stérilité,
on vous laisse imaginer le scénario apocalyptique que les plus inquiets
ont déjà dressé...
"D'un point de vue marketing, cette technologie est brillante",
évalue le critique des biotechnologies Jeremy Rifkin. D'un point
de vue social, c'est pathologique. C'est la question de savoir qui contrôle
les semences de la vie." |