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La planète des mutants
Vous êtes composé de 100 000 gènes.
Au milieu de ces gènes, au moment où votre père et
votre mère vous ont conçu, quatre erreurs se sont glissées.
Et vous transmettrez peut-être ces quatre erreurs à vos enfants,
en même temps que quatre autres. Dont une ou deux seront nocives.
Le chiffre a de quoi surprendre: notre
bagage génétique subirait donc, en moyenne, 4,2 mutations
par génération.
Autrement dit, au moment où le spermatozoïde et l'ovule qui
allaient vous créer se sont rencontrés, il s'est produit,
dans le processus consistant à copier votre futur bagage génétique,
quatre erreurs. C'est un chiffre plus élevé que tout ce que
les biologistes auraient soupçonné. Pire encore, parce que
les progrès récents de la médecine contribuent à
diffuser ces erreurs à grande échelle, c'est le bagage génétique
de l'espèce humaine tout entière qui est en danger. D'autant
plus que sur ces 4,2 mutations, 1,6 sont mauvaises: aussi, avec l'accroissement
de l'espérance de vie, les chances que ces "mauvaises"
mutations soient transmises d'une génération à l'autre
sont considérablement accrues.
Certes, soulignent
dans Nature les Britanniques Adam Eyre Walker, de l'Université
de Sussex en Grande Bretagne et Peter Keightley, de l'Université
d'Edinbourg, certaines de ces mutations "nocives" sont bénignes:
mauvaise vue, maux de tête ou de ventre, etc. Mais du point de vue
des scientifiques, elles témoignent tout de même, si on les
considère à l'échelle mondiale, d'une "dégradation
globale du patrimoine génétique humain". Bref, explique
M. Eyre Walker au New York Times, notre génome "dégénère".
Ca ne vous suggère pas un ou deux scénarios de science-fiction?
En fait, ce
chiffre de 4,2 mutations est si élevé -et encore s'agit-il
d'une estimation "conservatrice"- que l'on peut carrément
se demander comment l'espèce humaine a pu éviter l'extinction...
jusqu'à aujourd'hui (l'estimation vaut également pour les
chimpanzés et les gorilles). Dans
un commentaire publié également par Nature, James Crow,
de l'Université du Wisconsin, avance l'hypothèse de la sélection
naturelle, qui aurait éliminé au fur et à mesure les
"mauvaises" mutations. Et
cette sélection naturelle, elle a un autre nom: sexualité.
C'est en effet cette "stratégie" de reproduction qui,
en brassant continuellement les cartes, aurait permis jusqu'à aujourd'hui
cette "élimination naturelle" des "mauvais" gènes:
le foetus qui en est porteur aura plus de chances que les autres de ne pas
parvenir à terme, ou produira un bébé mort-né
dans un plus grand nombre de cas, où ne parviendra pas à l'âge
adulte, donc n'aura jamais d'enfants auxquels il aurait pu transmettre ces
"mauvais" gènes, etc. Par exemple, l'espérance de
vie d'un enfant myope était beaucoup moins élevée,
avant l'invention des lunettes.
Voilà pourquoi, en notre ère de la science, tout vient
de changer.
Les conséquences de cette découverte ne sont pas claires.
Elles peuvent être dramatiques. Il peut s'agir d'un signal d'alarme:
les effets de ces mutations nocives s'accumuleront de génération
en génération, et même s'accéléreront
à partir de maintenant, médecine aidant. Ou bien, les conséquences
peuvent être moins graves qu'elles en ont l'air: compte tenu du fait
qu'il s'agit de la toute première étude à avoir pu
calculer cette "moyenne" d'erreurs sur des animaux avancés,
il n'est pas impossible qu'il s'agisse d'un phénomène plus
répandu qu'on ne l'imagine, et qu'il nous manque en conséquence
un élément pour bien comprendre l'ensemble.
"Notre génome dégénère en quelque sorte",
insiste Eyre-Walker. Ce n'est pas un problème maintenant, de toute
évidence. Mais je m'attend à ce qu'à long terme, par
là j'entend dans un millier d'années ou à peu près,
cela puisse faire une différence."
En attendant, il nous faut nous faire à l'idée que nous
sommes tous des mutants -plus exactement, chacun de nous est le résultat
d'une accumulation... d'erreurs. |