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Le poète du feu et le clown d'amiante
Il était le volcanologue le plus célèbre de la
planète. Mais il était aussi fort controversé, et il
n'a pas fait que des heureux au cours de sa carrière.
Haroun Tazieff est mort le lundi 2 février, à l'âge
de 83 ans. Le "poète du feu", celui qui a fait connaître
à des millions de jeunes et de moins jeunes les volcans -les connaître
et aussi, les admirer- est passé dans l'autre monde dans la discrétion
la plus absolue -si discrètement que ses proches n'en ont fait l'annonce
officielle que trois jours plus tard, au moment où avaient lieu ses
obsèques à Paris, dans la plus stricte intimité.
Vulgarisateur de renom, à mettre sur le même pied que les
Cousteau et Sagan?
Sans nul doute. L'homme, né à Varsovie en 1914, avait découvert
lui aussi l'extraordinaire pouvoir de l'image pour transmettre un message,
et le pouvoir de la notoriété personnelle, pour influer sur
les grands de ce monde.
Mais était-ce un grand chercheur? Là-dessus,
les opinions divergent, révélait vendredi le quotidien Libération.
"Tazieff est un clown qui s'habille d'amiante pour faire frissonner
les bonnes dames" a un jour déclaré Claude Allègre,
l'ancien patron du volcanologue à l'Institut de physique du globe.
Tazieff possédait un bagage scientifique, mais ses connaissances
en physique et en chimie, rappelle Libération, se révélaient
"très lacunaires". Au point de commettre "des bourdes
dignes d'un cancre de terminale, en affirmant par exemple que l'hydrogène
sulfuré (H2S) est plus léger que l'air". Il ne comprenait
pas vraiment ce que l'on faisait, se souvient l'un de ses anciens collaborateurs.
Ses missions étaient destinées à faire de bons films,
avant d'être scientifiques, lui a-t-on reproché. Mais cela,
on l'a aussi reproché au commandant Cousteau,
ce qui n'a pas empêché les films de ce dernier de se révéler
de fabuleuses oeuvres éducatives.
Réfugié à Bruxelles en 1920 avec sa mère,
une chimiste, une sociologue, une philosophe et une artiste, naturalisé
belge en 1936, ce fils unique rêve d'explorer le Grand Nord ou de
naviguer sur les océans. Mais poussé par sa mère, il
devient ingénieur agronome. La guerre éclate: il s'engage
dans la résistance et fait sauter des pylônes et des voies
ferrées. En 1945, il se retrouve fonctionnaire au Congo belge et
c'est là, en 1948, qu'il observe sa première éruption
volcanique. Il quitte son emploi clérical et devient explorateur
de volcans.
Sur les conseils de Paul-Emile Victor, spécialiste des pôles
et autre vulgarisateur célèbre, il commence à filmer
et écrire des livres. En quelques années, il devient lui aussi
une célébrité, couru par les médias qui le qualifient
de "sympathique géologue", à la fois "savant"
et "sportif". En 1959, le film "Les rendez-vous du diable",
basé sur un tour du monde des volcans actifs, obtient une foule de
récompenses et consacre sa réputation.
Nommé expert de l'UNESCO en 1958, directeur du CNRS français
en 1968, secrétaire d'Etat en 1977, poste qui lui vaudra sa réputation
de défenseur de l'environnement, il ne fait pas que des heureux:
l'essentiel du travail scientifique qui porte son nom est souvent l'oeuvre
de ses équipiers. Ils sont nombreux, écrit Libération,
"à avoir défilé à ses côtés,
avant de se retrouver mis au ban pour avoir osé émettre une
opinion contraire à celle du patron". La devinette favorite
des volcanologues était, à une époque: "Comment
composer la meilleure équipe de volcanologie du monde? En prenant
tous ceux que Tazieff a virés"."
Il s'est aussi forgé une légende, celle d'un expert capable
de prédire les éruptions volcaniques. Une légende que
les médias ont complaisamment relayée, mais qui est fausse:
en janvier 1973, il annonce une catastrophe au volcan Eldfell, sur l'île
islandaise d'Heimaey. Rien ne se produit. En avril 1980, il prédit
que la situation du mont Saint-Helens, alors en train de se réveiller,
dans l'Etat de Washington, sur la côte Ouest des Etats-Unis, n'est
"absolument pas dangereuse". Il s'en prend avec vigueur aux géologues
américains qui recommandent l'évacuation de la zone. Il encense
Harry Truman, 84 ans, un résident bien décidé à
ne pas quitter les lieux.
Le 18 mai 1980, l'éruption fera une centaine de morts. Dont Harry
Truman.
Il laisse par contre en héritage de splendides images. Et une
opinion publique pour qui les volcans sont un peu moins mystérieux
qu'avant. C'est déjà beaucoup.
Pour tout savoir sur les volcans:
Volcano World
L'activité
volcanique en temps réel
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