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Nu comme un ver
Il arrive juste à temps pour figurer
dans la liste des découvertes de l'année: le ver le plus banal
des laboratoires devient d'un seul coup l'animal le plus célèbre
de la Création -et il obtient sa place dans les manuels d'histoire.
Il n'y a pas que le programme génome humain qui mobilise des efforts
internationaux. Un ver de moins d'un centimètre de long appelé
le Caenorhabditis elegans était le fruit des efforts soutenus, depuis
huit ans, d'une coalition internationale de généticiens et
autres biologistes -coalition appelée, rien de moins, le C. elegans
Sequencing Consortium. Et tout cela dans le but de décoder le bagage
génétique complet, gène par gène, de cette bestiole.
Pour les amateurs de chiffres: 97 millions de paires de base et 18 600
gènes -contre 100 000 chez nous. Plus de 40% des protéines
identifiées là-dedans ont leur équivalent chez d'autres
être vivants -y compris nous. L'événement se mérite
la Une de la revue Science, et rien de moins que quatre articles. "Une
nouvelle ère pour la biologie", proclament les découvreurs:
le premier "plan" détaillé d'un être vivant
plus complexe qu'une bactérie.
"Nous
avons maintenant tous les morceaux du puzzle nécessaire pour faire
un ver", a déclaré en conférence de presse
le biologiste américain Robert Waterston. "A présent,
il ne nous reste qu'à comprendre comment ça fonctionne..."
Ceux qui suivent nos actualités se rappelleront peut-être
que nous avions signalé, l'an dernier, le décodage complet
d'une autre bestiole: la levure de bière -oui, c'est un micro-organisme
qui produit ça, et non pas votre brasseur préféré.
Son petit nom -celui de la levure, pas celui du brasseur-est Saccharomyces
cerevisiae. D'autres annonces similaires avaient suivi. Mais il s'agissait
chaque fois de microbes. Cette
fois, on a affaire à un véritable animal, comme vous et moi.
Et c'est là que ça devient intéressant pour le commun
des mortels: parce que ce décodage pave la voie à celui de
nos propres gènes, qui se poursuit en ce moment même. Les méthodes
utilisées pour le ver serviront pour l'homme; le succès, évalue
Science, aidera à convaincre les organismes subventionnaires de la
faisabilité de ces projets à grande échelle -et surtout,
à long terme, un détail que n'apprécient pas toujours
les dits organismes subventionnaires.
Et
surtout, une bonne partie du contenu de cet animal nous concerne. Certes,
il est très loin de nous dans l'arbre généalogique:
on estime que "l'ancêtre commun" aurait vécu il y
a au moins 600 millions d'années, et peut-être même plus
d'un milliard d'années. Mais malgré cela, ce ver C. elegans
vit une vie comportant beaucoup points communs avec la nôtre: manger,
digérer, se reproduire, respirer, contraction des muscles, réactions
à la peur... Les biologistes aimeraient bien savoir quand, dans l'histoire
de la vie, ces fonctions sont apparues. D'autant plus que, chez le ver comme
chez nous, les gènes qui contrôlent ces fonctions ont de bonnes
chances d'être les mêmes.
Ce qui n'était pas du tout évident dans les années
60, quand les biologistes ont commencé à s'intéresser
à lui: après tout, ce ver n'est composé, d'un bout
à l'autre, que de 959 cellules, ce qui n'est vraiment pas grand-chose...
La paternité de l'exploit revient à deux équipes,
l'une américaine, à l'Université Washington de Saint-Louis,
l'autre britannique, au Centre Sanger. L'article principal de la revue Science
détaille l'historique de cette recherche, qui est passé par
bien des hauts et des bas, et a dû convaincre bien des collègues
sceptiques: en 1989, affirmer son intention de "cartographier"
3% du génome du ver -la bagatelle de 3 millions de paires de base-
apparaissait comme un exploit inatteignable, du moins à court terme.
A cette époque, un énorme succès pour la génétique,
c'était le décodage de... milliers de paires de base. Par
ailleurs, plusieurs experts jugeaient inutile de dépenser des millions
de dollars pour un projet dont on voyait mal les retombées concrètes...
Aujourd'hui, on a l'impression que ces attitudes sont vieilles d'un siècle,
et pourtant... |