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La station et le pacte du diable
Intéressant reportage dans Science, cette semaine.
Intéressante histoire, où l'initiative du projet de station
spatiale internationale, il y a 17 ans, est comparée à "un
pacte avec le diable".
L'administrateur de la Nasa, Jim Beggs, savait que le débat serait
houleux, alors qu'il se rendait à une rencontre d'éminents
scientifiques, dans les montagnes du Colorado, il y a 17 ans.
Sa tâche était de leur expliquer sa vision d'une future
station spatiale habitée. Mais cette douzaine d'experts, formant
le comité scientifique du National Research Council (NRC, un important
organisme subventionnaire) étaient dominés par des astronomes
et des astrophysiciens, lesquels n'étaient pas chauds à l'idée
d'envoyer des hommes dans l'espace. Les machines, c'est bien connu, c'est
beaucoup plus fiable. Surtout pour l'astronomie.
"Nous
étions très sceptiques", rappelle à Science
(résumé de l'article; nécessite une inscription
gratuite) Thomas Donahue, qui était alors président
du comité, aujourd'hui professeur émérite à
l'Université du Michigan. Beggs de son côté, avait fait,
en cet été 1982, d'une station spatiale sa première
priorité, et venait d'effectuer un tour du monde pour récolter
des appuis des milieux politiques et industriels. Mais la rencontre du Colorado
était sa première tentative pour se gagner les milieux scientifiques.
Ce ne fut pas un succès: quelques mois plus tard, un rapport de
deux pages du NRC concluait qu'il "n'existe aucune nécessité
pour une station spatiale" qui remplirait des objectifs scientifiques
"au cours des deux prochaines décennies".
Toutefois, le rapport ne condamnait pas entièrement le projet.
Les auteurs, soucieux de ménager la chèvre et le chou, signalaient
qu'une station habitée pourrait effectivement ouvrir des possibilités
à plusieurs disciplines scientifiques... si elle était adéquatement
financée. Parmi les disciplines scientifiques étaient mentionnées
les sciences de la vie (l'étude de l'impact sur les humains et les
animaux de la vie en gravité zéro): les chercheurs spécialisés
dans ce secteur sautèrent à pieds joints dans l'ouverture
et, en mai 1983, le comité sur la médecine et la biologie
dans l'espace donnait son plein appui au projet de Jim Beggs.
Les scientifiques sceptiques décidèrent de taire leur dissension,
pour ne pas, explique Donahue, donner prise à leurs adversaires.
Mais ils furent parmi les premiers surpris lorsque, en janvier 1984, le
Président américain Ronald Reagan annonça que les Etats-Unis
se lançaient dans la construction d'une station spatiale pour la
prochaine décennie. L'objectif politique implicite -contrecarrer
l'avance des Soviétiques dans l'espace- rendit dès lors obsolète
tout débat sur les mérites scientifiques du projet.
Le problème, c'était que les objectifs scientifiques de
cette station n'avaient toujours pas été clairement définis;
Jim Beggs, en 1984, se mit donc à pédaler pour donner de la
substance -et accroître ses appuis parmi les scientifiques. Il promit
notamment à Donahue que 20% du budget de recherche et développement
de la station serait alloué à la recherche scientifique, et
que des scientifiques "de haut niveau" seraient inclus dans le
programme -tout cela, en échange d'un appui tacite de Donahue et
du comité. L'accord fut couché sur papier, et signé
par les deux hommes. Il serait honoré par le successeur de Beggs,
James Fletcher, et survivrait à plus d'une décennie de négociations
ardues, de budgets inflationnaires, d'études contradictoires et d'attaques
devant le Congrès. Seuls quelques-uns s'en irritèrent tout
haut: pour Margaret Geller, astronome à l'observatoire Harvard-Smithsonian
de Cambridge, le comité avait "échangé ses principes
scientifiques contre une pointe de la station".
"Il était évident, déclare-t-elle aujourd'hui
à Science, que la station n'avait rien à voir avec
la science. Les gens sautaient à bord pour avoir de l'argent."
Donahue et les autres répondent aujourd'hui à cela que
leur décision s'est avérée payante. Les budgets pour
les sciences de l'espace ont augmenté tout au long des années
80. Et les experts en sciences de la vie et en microgravité auront
une place importante.
Mais Donahue admet que les critiques touchent une corde sensible. "J'ai
fait un pacte avec le diable". Bien que la science spatiale en ait
bénéficié, "tout ce programme (de la station)
a été un foutoir."
Prochaines missions
Ce "rappel historique" survient au moment où la navette
spatiale s'apprête à aller acomplir sa première véritable
mission à l'intérieur de la station: à la fin du mois,
si tout va bien, Discovery rejoindra l'embryon de station -deux modules
jusqu'ici- et des
astronautes monteront à bord pour y transporter de l'équipement
destiné aux futurs occupants -123 valises contenant aussi bien des
ordinateurs portatifs que des sacs à déchets- et y effectuer
des réparations -déjà! Entre autres, le système
électrique ne semble pas très bien fonctionner sur le module
-quelle surprise- russe.
Parmi les sept astronautes, la Québécoise Julie Payette,
à propos de laquelle tout le Québec s'excite depuis quelques
semaines. C'est à elle et au Russe Valery Tokarev que reviendra la
tâche de remplacer ces unités électriques.
Le lancement, qui devait avoir lieu le 20 mai, a été repoussé
au moins au 27, en
raison de dégâts causés au réservoir principal
par des grêlons. En 1995, Discovery avait subi des dégâts
similaires, causés
cette fois par des... pic-verts.
Mais ce rappel historique n'oblige-t-il pas à s'interroger -une
fois encore- sur l'utilité de la future station? C'est l'objet du
deuxième article de Science, et la réponse semble mitigée.
On semble avoir beaucoup
de bonnes idées, mais une conviction chancelante. A l'heure actuelle,
seule une petite fraction du programme scientifique a été
choisie, et les 16 pays impliqués se demandent encore qui fera quoi.
Même des incertitudes qu'on aurait cru réglées depuis
longtemps demeurent toujours sur la table, comme la façon dont les
vibrations de la station pourraient nuire à certaines expériences.
On connaît au moins une expérience: le printemps prochain
si tout va bien, une navette spatiale livrera à la station un...
mannequin de plastique, grandeur nature. Fred -c'est son nom- séjournera
14 semaines là-haut, pendant lesquelles les appareils branchés
sur son "corps" enregistreront en les radiations cosmiques qui
se rendront jusqu'à lui. Une expérience propre à attirer
l'attention du public, mais certains scientifique rêvent à
des expériences plus... scientifiques
Et enfin, il y a le facteur humain, qui est loin d'avoir été
réglé. On se demande toujours où en sera la collaboration
avec les Russes dans un ou deux ans. On s'inquiète de ce que les
occupants de la station n'auront pas suffisamment de temps pour s'entraîner
à réaliser adéquatement les expériences qui
leur seront confiés -au point où des scientifiques réclament
désormais des expériences qui pourraient être télécommandées
depuis la Terre. D'un autre côté, on semble agréablement
surpris, aux Etats-Unis, de voir qu'il existe un grand nombre de scientifiques,
en Europe et au Japon, autant sinon plus compétents que les Américains,
et capables de soumettre des projets aussi dynamiques qu'audacieux. Les
Américains découvrent soudain que la science spatiale, eh
oui, se pratique à l'extérieur de chez eux... |