Semaine du 17 mai 1999

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La station et le pacte du diable


I
ntéressant reportage dans Science, cette semaine. Intéressante histoire, où l'initiative du projet de station spatiale internationale, il y a 17 ans, est comparée à "un pacte avec le diable".

 

L'administrateur de la Nasa, Jim Beggs, savait que le débat serait houleux, alors qu'il se rendait à une rencontre d'éminents scientifiques, dans les montagnes du Colorado, il y a 17 ans.

Sa tâche était de leur expliquer sa vision d'une future station spatiale habitée. Mais cette douzaine d'experts, formant le comité scientifique du National Research Council (NRC, un important organisme subventionnaire) étaient dominés par des astronomes et des astrophysiciens, lesquels n'étaient pas chauds à l'idée d'envoyer des hommes dans l'espace. Les machines, c'est bien connu, c'est beaucoup plus fiable. Surtout pour l'astronomie.

"Nous étions très sceptiques", rappelle à Science (résumé de l'article; nécessite une inscription gratuite) Thomas Donahue, qui était alors président du comité, aujourd'hui professeur émérite à l'Université du Michigan. Beggs de son côté, avait fait, en cet été 1982, d'une station spatiale sa première priorité, et venait d'effectuer un tour du monde pour récolter des appuis des milieux politiques et industriels. Mais la rencontre du Colorado était sa première tentative pour se gagner les milieux scientifiques.

Ce ne fut pas un succès: quelques mois plus tard, un rapport de deux pages du NRC concluait qu'il "n'existe aucune nécessité pour une station spatiale" qui remplirait des objectifs scientifiques "au cours des deux prochaines décennies".

Toutefois, le rapport ne condamnait pas entièrement le projet. Les auteurs, soucieux de ménager la chèvre et le chou, signalaient qu'une station habitée pourrait effectivement ouvrir des possibilités à plusieurs disciplines scientifiques... si elle était adéquatement financée. Parmi les disciplines scientifiques étaient mentionnées les sciences de la vie (l'étude de l'impact sur les humains et les animaux de la vie en gravité zéro): les chercheurs spécialisés dans ce secteur sautèrent à pieds joints dans l'ouverture et, en mai 1983, le comité sur la médecine et la biologie dans l'espace donnait son plein appui au projet de Jim Beggs.

Les scientifiques sceptiques décidèrent de taire leur dissension, pour ne pas, explique Donahue, donner prise à leurs adversaires. Mais ils furent parmi les premiers surpris lorsque, en janvier 1984, le Président américain Ronald Reagan annonça que les Etats-Unis se lançaient dans la construction d'une station spatiale pour la prochaine décennie. L'objectif politique implicite -contrecarrer l'avance des Soviétiques dans l'espace- rendit dès lors obsolète tout débat sur les mérites scientifiques du projet.

Le problème, c'était que les objectifs scientifiques de cette station n'avaient toujours pas été clairement définis; Jim Beggs, en 1984, se mit donc à pédaler pour donner de la substance -et accroître ses appuis parmi les scientifiques. Il promit notamment à Donahue que 20% du budget de recherche et développement de la station serait alloué à la recherche scientifique, et que des scientifiques "de haut niveau" seraient inclus dans le programme -tout cela, en échange d'un appui tacite de Donahue et du comité. L'accord fut couché sur papier, et signé par les deux hommes. Il serait honoré par le successeur de Beggs, James Fletcher, et survivrait à plus d'une décennie de négociations ardues, de budgets inflationnaires, d'études contradictoires et d'attaques devant le Congrès. Seuls quelques-uns s'en irritèrent tout haut: pour Margaret Geller, astronome à l'observatoire Harvard-Smithsonian de Cambridge, le comité avait "échangé ses principes scientifiques contre une pointe de la station".

"Il était évident, déclare-t-elle aujourd'hui à Science, que la station n'avait rien à voir avec la science. Les gens sautaient à bord pour avoir de l'argent."

Donahue et les autres répondent aujourd'hui à cela que leur décision s'est avérée payante. Les budgets pour les sciences de l'espace ont augmenté tout au long des années 80. Et les experts en sciences de la vie et en microgravité auront une place importante.

Mais Donahue admet que les critiques touchent une corde sensible. "J'ai fait un pacte avec le diable". Bien que la science spatiale en ait bénéficié, "tout ce programme (de la station) a été un foutoir."


Prochaines missions

Ce "rappel historique" survient au moment où la navette spatiale s'apprête à aller acomplir sa première véritable mission à l'intérieur de la station: à la fin du mois, si tout va bien, Discovery rejoindra l'embryon de station -deux modules jusqu'ici- et des astronautes monteront à bord pour y transporter de l'équipement destiné aux futurs occupants -123 valises contenant aussi bien des ordinateurs portatifs que des sacs à déchets- et y effectuer des réparations -déjà! Entre autres, le système électrique ne semble pas très bien fonctionner sur le module -quelle surprise- russe.

Parmi les sept astronautes, la Québécoise Julie Payette, à propos de laquelle tout le Québec s'excite depuis quelques semaines. C'est à elle et au Russe Valery Tokarev que reviendra la tâche de remplacer ces unités électriques.

Le lancement, qui devait avoir lieu le 20 mai, a été repoussé au moins au 27, en raison de dégâts causés au réservoir principal par des grêlons. En 1995, Discovery avait subi des dégâts similaires, causés cette fois par des... pic-verts.

Mais ce rappel historique n'oblige-t-il pas à s'interroger -une fois encore- sur l'utilité de la future station? C'est l'objet du deuxième article de Science, et la réponse semble mitigée. On semble avoir beaucoup de bonnes idées, mais une conviction chancelante. A l'heure actuelle, seule une petite fraction du programme scientifique a été choisie, et les 16 pays impliqués se demandent encore qui fera quoi. Même des incertitudes qu'on aurait cru réglées depuis longtemps demeurent toujours sur la table, comme la façon dont les vibrations de la station pourraient nuire à certaines expériences.

On connaît au moins une expérience: le printemps prochain si tout va bien, une navette spatiale livrera à la station un... mannequin de plastique, grandeur nature. Fred -c'est son nom- séjournera 14 semaines là-haut, pendant lesquelles les appareils branchés sur son "corps" enregistreront en les radiations cosmiques qui se rendront jusqu'à lui. Une expérience propre à attirer l'attention du public, mais certains scientifique rêvent à des expériences plus... scientifiques

Et enfin, il y a le facteur humain, qui est loin d'avoir été réglé. On se demande toujours où en sera la collaboration avec les Russes dans un ou deux ans. On s'inquiète de ce que les occupants de la station n'auront pas suffisamment de temps pour s'entraîner à réaliser adéquatement les expériences qui leur seront confiés -au point où des scientifiques réclament désormais des expériences qui pourraient être télécommandées depuis la Terre. D'un autre côté, on semble agréablement surpris, aux Etats-Unis, de voir qu'il existe un grand nombre de scientifiques, en Europe et au Japon, autant sinon plus compétents que les Américains, et capables de soumettre des projets aussi dynamiques qu'audacieux. Les Américains découvrent soudain que la science spatiale, eh oui, se pratique à l'extérieur de chez eux...

 

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