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La science rapetissée
Lorsqu'une prestigieuse revue médicale décide de publier
une recherche, non pas parce qu'elle est scientifiquement solide, mais parce
que le public croit qu'elle est solide, c'est toute la recherche scientifique
qui se retrouve sans dessus-dessous.
Le milieu scientifique britannique est abasourdi; les écologistes
jubilent; le public est encore plus mêlé qu'avant.
Dans sa dernière édition, la prestigieuse revue médicale
britannique The
Lancet a choisi de publier l'étude du Dr Arpad Pusztai, selon
laquelle des rats nourris aux pommes de terre transgéniques auraient
vu leur système immunitaire affaibli. L'étude, rédigée
l'an dernier, avait généré une
controverse, qui avait valu au Dr Pusztai de perdre son emploi: jamais
corroborée, souffrant de failles méthodologiques, cette étude
n'en avait pas moins été grandement médiatisée.
The Lancet a reconnu en éditorial que rien ne permettait d'affirmer
que ces résultats étaient fondés; que l'étude
n'avait pas obtenu l'approbation du comité d'experts du Lancet, processus
normal de relecture pour toute étude publiée dans une revue
dotée d'un tel comité -comme Science, Nature, The New England
Journal of Medicine et autres publications qui forment la crème
de la crème de la recherche scientifique. Bref, The Lancet
a reconnu que cette étude ne satisfaisait aucun des critères
habituels -mais qu'il choisissait de la publier, en raison de l'intérêt
que lui portait le public, et pour éviter que la communauté
médicale ne se fasse accuser de "censurer".
Les
observateurs sont indignés: cette étude, résume
le chroniqueur scientifique de la BBC, n'est pas publiée "parce
que c'est de la bonne science. Elle est là parce qu'elle a fait du
bruit. Du bruit suscité par des groupes d'intérêt et
les médias."
"Qu'un tel travail puisse être publié de cette façon
est déjà suffisamment mauvais. Mais ce qui est pire, c'est
que la science a échoué à faire valoir ses arguments
au public": les scientifiques eux-mêmes, dont l'image est à
son plus bas, le conseiller scientifique du gouvernement britannique, le
gouvernement lui-même, tous ont été singulièrement
inefficaces -et tous ont désastreusement sous-estimé les réactions
du public à ce qui a fini par être connu, non sous le nom "aliments
transgéniques", mais sous celui de "aliments Frankenstein".
Etonnant que la même semaine, une autre revue prestigieuse, Nature,
publie un autre texte d'opinion, en réponse à celui de la
semaine dernière: on se rappellera qu'un
groupe de trois scientifiques avait alors publié une critique du
système dit "équivalence substantielle", par lequel
les ministères de la santé d'Amérique et d'Europe approuvent
les aliments transgéniques sur leurs territoires -un système
que ces trois chercheurs déclaraient faussé et anti-scientifique.
Eh bien cette semaine, trois
articles d'opinion sont publiés par Nature, qui qualifient
tour à tour les arguments de leurs collègues de "mal
informés", de "sociologie de bas étage", en
plus d'être appuyés sur des données "démodées".
Le public ressort de cette semaine pas mieux informé qu'avant:
ceux qui avaient déjà choisi de voir en le Dr Putzai un martyr
sacrifié par la vilain establishment continuent de crier au complot,
et ceux qui mènent des études où aucun impact négatif
des aliments transgéniques n'a pu être mesuré, se retrouvent
de plus en plus noyés sous les hauts cris des écologistes.
Mais le grand perdant est sans doute la recherche scientifique elle-même:
avoir publié une étude uniquement pour céder à
la pression, cela va à l'encontre des principes de base de la recherche
scientifique: qu'une revue publie
des données rejetées par son propre comité de lecture,
ça ne s'était jamais vu, résume au Washington Post
Charles Arntzen, de l'Institut de recherche sur les végétaux
à l'Université Cornell. "S'il s'était agi de quoi
que ce soit d'autre, comme une façon de guérir le coeur ou
le cancer, (The Lancet) n'aurait jamais publié un travail aussi bâclé." |