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Le bébé aux deux mamans
S'il voit le jour, ce bébé aura
sûrement un problème d'identité: il est issu d'un spermatozoïde
et de... deux ovules. Deux ovules de deux femmes différentes. Une
manipulation qui semble émouvoir tout le monde... sauf le médecin
qui l'a pratiquée.
"Deux
mères pour un bébé", titrait Libération
le 13 octobre. C'est en effet l'exploit qu'a accompli -ou plutôt,
qu'accomplira peut-être, puisque le bébé n'est pas encore
né- un chercheur américain qui a ouvert une boîte de
Pandore dont il ne semble pas soupçonner l'existence.
James Grifo, directeur du département d'endocrinologie reproductive
au Centre médical de l'Université de New York, est allé
là où aucun médecin n'était allé. Il
a "fabriqué" un embryon avec
une technique qui rappelle dangereusement celle du clonage de la brebis
Dolly: un père, mais deux mères génétiques.
Au départ, il y a cette femme de 44 ans, stérile en raison
-affirme le Dr Grifo- de la mauvaise qualité de ses ovules, plus
précisément de leur cytoplasme, c'est-à-dire la "gelée"
dans laquelle baignent les chromosomes (là où réside
notre bagage génétique). Solution du Dr Grifo: prendre un
ovule de bonne qualité (donc, avec du "bon" cytoplasme)
chez une autre femme, le vider de ses chromosomes pour les remplacer par
ceux de la future mère; inséminer artificiellement cet ovule
"amélioré" avec le sperme du mari; et réimplanter
le résultat dans l'utérus de la mère.
Ce n'est pas du clonage, puisque le bébé à naître
aura les gènes du père et de la mère, et non d'un seul
individu. Il aura même, en fait -détail, détail- des
gènes de ses DEUX mères, même si l'une des deux sera
plus sa "mère biologique" que l'autre: la raison de ce
"mélange", c'est que les gènes ne sont pas tous
dans les chromosomes. Certains, appelés les gènes mitochondriaux,
résident dans le cytoplasme. De sorte qu'un bébé né
avec la technique du Dr Grifo portera en lui les gènes de son papa,
les gènes -ceux-là dominent- de sa maman, et les gènes
mitochondriaux -en minorité, mais bel et bien là- du "donneur"
-en l'occurence, son autre maman.
On ne considère généralement pas que les gènes
mitochondriaux ont un impact sur la personnalité ou l'apparence d'une
personne. Mais ils pourraient jouer un rôle, encore inconnu, dans
le développement de maladies telles que l'Alzheimer ou le Parkinson.
Bref, même si ce n'est pas à proprement parler du clonage,
c'est exactement la technique à la base du clonage qui a été
utilisée ici: le "transfert génétique" d'un
ovule à un autre. Et cette technique, de surcroît, le Dr Grifo
a choisi de l'utiliser parce qu'il basait son analyse sur une théorie
(l'association entre la stérilité des femmes et le cytoplasme)
qui n'a encore jamais été démontrée. Bref, une
"manip" tout ce qu'il y a d'hasardeuse.
Grifo et ses collègues, John Zhang et Hui Liu, également
de l'Université de New York, ont tenté cette méthode
sur deux femmes stériles jusqu'ici. Ce fut un échec avec la
première, âgée de 47 ans, ça a réussi
avec la deuxième. L'équipe a obtenu du comité d'éthique
de son université l'autorisation d'essayer sa technique sur cinq
femmes.
C'est suffisamment près du clonage, en fait, pour être illégal
en Californie, et peut-être dans d'autres Etats américains,
n'a pas manqué de signaler le Dr Grifo, en annonçant son "exploit"
dans le cadre du congrès annuel de la Société
américaine de médecine de la reproduction.
De quoi se demander quel sera leur sujet l'an prochain, lors du prochain
congrès... |