C’est le genre d’histoire qui ne fait vraiment pas bien paraître la médecine. Huit années pendant lesquelles des tests de dépistage du cancer du sein ont été bâclés, laissant filer environ 400 cas. De ce nombre, 108 femmes sont, depuis, décédées. Pendant qu’une enquête s’ouvre à Terre-Neuve, les éditorialistes du reste du Canada s’inquiètent: quelle est la qualité de leurs propres laboratoires médicaux?

Les chiffres ont été dévoilés la semaine dernière, 18 mars, alors que la province démarrait une enquête sur ce scandale : comment près de 400 patientes ont-elles pu recevoir des résultats « discutables », sur un test censé déterminer quel type de traitement sera le plus approprié pour elles?

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Au-delà du scandale, c’est sa durée qui retient l’attention : comment est-il possible que personne ne s’en soit rendu compte. Les témoignages des victimes qui se sont succédés ces derniers jours dans les médias anglophones ont donné un visage humain à ces chiffres, mais tôt ou tard, les questions scientifiques devront obtenir réponse.

« Les laboratoires comparables, ailleurs au pays, sont-ils plus fiables? », demande l’éditorialiste de The Gazette de Montréal. « Manque de personnel, contrôles de qualité déficients, manque de ressources et de formation, et documentation inadéquate, tout cela s’est combiné pour créer des conditions propices à une erreur médicale », ajoute l’éditorial du Chronicle Herald de Halifax. Pourrait-il y avoir d’autres problèmes encore à découvrir?

La tragédie pourrait au moins avoir un effet positif : remettre à l’ordre du jour la question de la reconnaissance des diplômes des spécialistes venus d’autres pays. Les spécialistes en cause ici sont ceux qui, dans un laboratoire médical, ont pour fonction d’interpréter les résultats d’analyses : on les appelle pathologistes en anglais ou, pour être plus précis, anatomopathologistes en français. Or, ces spécialistes sont vieillissants au Canada : la majorité des 1100 reconnus ont plus de 55 ans, selon le Chronicle Herald, et les universités n’en produisent pas assez pour répondre à la demande des laboratoires. De son côté, le Collège canadien des médecins s’inquiète du fait que plusieurs des anatomopathologistes formés à l’étranger et employés au Canada (hors Québec) n'ont pas obtenu leur « certification » du Collège.

Vu sous cet angle, ce qui s’est passé à Terre-Neuve devient une histoire en apparence très banale : un laboratoire de la Eastern Health Authority basé à Saint-Jean, la capitale, était chargé d’effectuer les tests de dépistage du cancer du sein les plus urgents. Ces tests ont pour but de diriger la patiente vers le traitement le plus approprié à son état : chimiothérapie, radiothérapie, hormones... Après la découverte d’erreurs méthodologiques, des échantillons de tissus déjà testés ont été envoyés pour de nouveaux tests à l’Hôpital Mont Sinaï de Toronto, qui a révélé l’ampleur du problème. Mauvais diagnostics, donc mauvais traitements.

Nul ne peut dire combien des 108 patientes décédées auraient survécu si elles avaient obtenu le bon diagnostic, mais pour Beverly Green, 45 ans, la question n’est pas là : diagnostiquée en 2001, ses tests lui avaient indiqué qu’elle ne bénéficierait pas d’un traitement hormonal. Elle fut donc dirigée vers la chimiothérapie. Ce n’est qu’en 2005 que les nouveaux tests, à Toronto, ont révélé l’erreur... et ce n’est que 13 mois plus tard qu’elle l’a su.

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