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La compagnie qui symbolisait une médecine du futur personnalisée grâce à des tests génétiques, est en difficultés financières, et symbolise à présent l’enthousiasme un peu trop hâtif des années 2000.

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La compagnie 23andMe avait été fondée en 2006, à l’époque où les tests de dépistage génétique étaient en pleine croissance, et elle avait été une des premières à en concevoir spécifiquement un pour le grand public. Moyennant paiement, elle envoyait au client un kit pour prélever soi-même un échantillon de salive et le renvoyer à la compagnie, qui dressait alors un « portrait génétique » de la personne. Ou du moins un portrait partiel des maux qu’elle était prétendument à risque de développer. 

Ces « diagnostics » ont toutefois rapidement soulevé la controverse: d’une part, apprendre qu’on est « à risque » ne sert pas à grand-chose si on ne peut pas s’en prémunir. D’autre part, on ne peut pas évaluer le niveau de risque si on ne connaît pas tous les autres facteurs de prédisposition à cette maladie. 

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Et l’enthousiasme trop hâtif à l’égard d’une médecine personnalisée sur la base de nos gènes était venu de là: dans la foulée du premier décodage du génome humain, au tournant des années 2000, plusieurs s’étaient mis à croire qu’on était sur le point d’associer chaque maladie à « son » gène. La réalité de notre corps s’est avérée beaucoup plus complexe: les problèmes cardiaques, par exemple, sont influencés par des centaines de gènes.

Les difficultés de 23andMe sont apparues au grand jour en 2013, lorsque l’agence américaine chargée d’approuver les médicaments (Food and Drug Administration, ou FDA) a statué qu’en effet, ces tests n’étaient pas soutenus par une science suffisamment solide. La compagnie a recommencé à les vendre deux ans plus tard, mais uniquement pour un nombre plus réduit de maladies. Et en parallèle, elle s’est lancée, tout comme d’autres compagnies, dans un marché complètement différent: dresser un portrait « généalogique » d’une personne à partir de ses gènes —tel pourcentage de nos ancêtres sont de telle ascendance, tel pourcentage de telle autre (ce marché-là s’est avéré lui aussi avoir ses propres faiblesses). 

Depuis une décennie, on sait que les données que lui ont fournies les usagers peuvent potentiellement être vendues à des compagnies pharmaceutiques. Et plus récemment, la compagnie a admis avoir été victime de vols de données (les données personnelles, et non génétiques), ce qui lui a valu des poursuites judiciaires. 

Entretemps, la génétique a raffiné ses connaissances et 23andMe s’est adaptée: elle offre par exemple de distinguer entre différents variants d’un même gène —dans les cas où la science a pu établir que tel variant était problématique. Mais l’obstacle de base demeure: c’est juste une probabilité « plus élevée » d’avoir une maladie, et les recommandations sont souvent vagues —mieux s’alimenter, faire de l’exercice, etc.

Un des espoirs initiaux suscités par le décodage du génome humain était d’en arriver un jour à des médicaments adaptés à chaque personne. Ce rêve, note le New Scientist dans un retour récent sur les déboires de la compagnie, appartient encore à un futur indéterminé. Tout au plus, avec la multiplication des génomes décodés et avec la croissance des bases de données génétiques, a-t-on progressé sur la voie du dépistage précoce des facteurs de risque. Avec la possibilité, celle-là moins lointaine, que des groupes de la population —ceux plus « à risque »— puissent faire un jour l’objet de davantage de suivis ou de traitements préventifs mieux ciblés. 

Trop souvent, explique le généticien Peter Donnelly, de la firme britannique Genomics « lorsque nous utilisons le risque pour décider qui nous mettons en prévention ou en traitement, tout ce que nous utilisons, c’est son âge ». Nous pourrions évaluer le risque avec plus de précision, « et la génétique en est une grande part ».

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