Il a écrit un livre et des articles sur les faux prophètes de l’autisme. Dans le but de sauver des vies, il s’acharne à prouver que la vaccination ne cause pas l’autisme... ce qui lui vaut des menaces de mort!

Si Paul Offit n’était qu’un chercheur spécialiste de la vaccination, il mènerait une vie beaucoup plus tranquille. Mais en plus de son travail de médecin et chercheur, à cause de ce que certains appellent de l’abnégation —et d’autres, du masochisme!— il s’est transformé en un vulgarisateur très présent dans les médias. Et du coup, il est devenu une des cibles préférées des mouvements anti-vaccination —incluant des menaces contre lui-même et sa famille.

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Son 5e livre, Autism’s False Prophets (2008), repasse en revue les connaissances scientifiques qui ont permis de contredire la croyance populaire à l’effet que la vaccination causerait l’autisme ou les maladies dites auto-immunes; il y dénonce également ceux qui font la promotion de traitements bidon contre l’autisme.

En face de lui, l’actrice Jenny McCarthy, dont le fils a été diagnostiqué autiste, est devenue l’un des visages les plus connus du mouvement anti-vaccination aux États-Unis, un mouvement qui, dit Offit, ne cherche pas à débattre, juste à créer l’illusion qu’il existe un débat.

Les chiffres sont pourtant là : avant la vaccination contre la variole, 500 millions de personnes en sont mortes. Aujourd’hui, c’est une maladie éradiquée de la surface du globe. La polio, qui pourrait être la prochaine sur la liste, paralysait 16 000 Américains par année, dans les années 1940. Aujourd’hui, elle ne survit que dans quelques régions d’Afrique de l’Ouest et de l’Inde. La rubéole causait des malformations à la naissance et des retards mentaux chez 20 000 bébés. Et ainsi de suite.

Mais aujourd’hui, il suffit qu’un enfant soit diagnostiqué autiste quelques semaines après avoir eu son vaccin, pour que d’aucuns préfèrent croire à une corrélation, plutôt qu’aux statistiques.

Dans un dossier publié en octobre par Wired, Paul Offit —pédiatre et directeur du département des maladies infectueuses à l’Hôpital pour enfants de Philadelphie— résume ainsi son dépit :

J’avais tendance à dire que la vague [anti-vaccination] s’inverserait lorsque des enfants commenceraient à mourir. Eh bien des enfants ont commencé à mourir. Alors à présent, j’ai changé ma phrase pour « lorsque suffisamment d’enfants commenceront à mourir ».

Offit ne devrait pas être surpris, puisque le 6e livre sur lequel il travaille à présent porte sur l’histoire des mouvements anti-vaccination. Dès le milieu du 19e siècle, il avait été établi que le vaccin contre la variole était efficace. Mais en dépit d’une législation qui le rendait accessible à tous en Angleterre en 1853, bien des gens refusèrent de le prendre et la variole continua de tuer. Ce fut la naissance du mouvement anti-vaccination, et jadis comme aujourd’hui, ce mouvement fut très efficace en termes de marketing.

Dans les années 1890, le taux d’immunisation en Angleterre était tombé à 20%. En comparaison, l’Écosse et l’Irlande n’avaient pas de tel mouvement d’opposition... et la variole disparut pratiquement du décor.

À en juger par la vigueur et la notoriété de l’organisation AutismOne, la leçon n’a pas été retenue. La journaliste de Wired décrit sa visite dans leur dernier congrès : des légions de vendeurs de médecines-miracles, du biscuit sans glutène jusqu’au sauna à infra-rouge. Leur message-clef : l’industrie pharmaceutique n’est là que pour amasser des profits. Essayez plutôt nos biscuits (à un prix modique).

Beaucoup des problèmes se résument à un seul mot : communication.

- les chercheurs ne peuvent pas répliquer avec la même certitude acharnée qu’un croyant; alors leur message part déjà avec une longueur de retard; - aux États-Unis, plusieurs chercheurs osent évoquer une vaccination obligatoire : sacrilège, dans un pays qui défend férocement sa liberté d’expression; - et dans un univers Internet où toutes les opinions se valent, n’importe qui devient un expert.

Ce dernier point explique que les soupçons de collusion avec l’industrie pharmaceutique aient eu un effet inattendu : le comité aviseur sur la vaccination du CDC (Centre de contrôle des maladies des États-Unis) est largement passé d’un groupe d’experts (virologie, microbiologie, immunologie) à un groupe de non-experts (fonctionnaires en santé publique). Comme l’explique Michael Specter, auteur de Denialism :

Nous vivons dans un pays où c’est devenu un désavantage que d’être un expert. Lorsque l’expertise est réduite à ce niveau, l’irrationel et la peur peuvent devenir incontrôlables.

Dans Wired, le mot de la fin pourrait être celui de Curt Linderman, animateur radio, blogueur et autre porte-parole très visible du mouvement anti-vaccination : « nous vivons dans un monde très toxique », explique-t-il à la journaliste... tout en tirant une bouffée de sa cigarette.

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