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S’il y a des perspectives favorables au journalisme environnemental, elles ne sont pas du côté des grands médias. Après deux ans et 2000 billets, le Wall Street Journal a mis fin en février à son blogue sur l’environnement. Et le Christian Science Monitor, autre quotidien américain de qualité, a interrompu le sien en mars, après 22 mois pourtant fructueux.

Ces coupes surviennent après que le plus célèbre journaliste environnemental des États-Unis, Andrew Revkin, eut annoncé sa retraite anticipée du New York Times en décembre.

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Au WSJ, le blogue Environmental Capital couvrait au quotidien, depuis janvier 2008, « les paysages changeants de l’environnement et de l’énergie » et s’était taillé une solide réputation. Le journaliste de la Columbia Journalism Review en avait fait « l’un des meilleurs endroits où commencer sa lecture quotidienne ». Et même Joe Romm, dont le blogue Climate Progress est un solide pourfendeur de quiconque ne défend pas les politiques environnementales avec ardeur, leur avait fait une fleur : « le WSJ a de toute évidence une page éditoriale qui est un chef de file de la désinformation anti-science. Mais le blogue semblait raisonnablement indépendant et était sans aucun doute une source appropriée d’information sur les questions d’énergie et d’environnement ».

Si son interruption n’a pas été justifiée, celle du blogue Bright Green, du Christian Science Monitor a, elle, été justifiée par la décision d’intégrer l’environnement aux sujets couverts par les autres journalistes. Le blogue « environnement » était né avant la décision du CSM, en mars 2009, d’abandonner l’édition imprimée au profit de la seule édition en ligne.

Le CSM fait en effet face, autant que les autres grands médias, à l’urgence de réduire ses dépenses, au point où un blogue sur l’environnement le plaçait devant deux dilemmes plutôt qu’un : un blogue spécialisé en environnement est-il une dépense légitime? Et un blogue tout court est-il une dépense légitime? Comme l’écrit le journaliste de la Columbia Journalism Review :

Au cours des dernières années, on a semblé prendre pour acquis, dans les salles de rédaction, qu’un blogue est la meilleure façon pour couvrir des sujets tels que l’environnement avec des ressources limitées... Mais le Christian Science Monitor fait une faveur à l’industrie en posant la question. Les blogues sont sans aucun doute des outils puissants mais idéalement, ils devraient compléter une forte couverture journalistique —pas la remplacer.

Au-delà du modèle traditionnel

Du moins, si tant est qu’on ne parle de la « forte couverture journalistique » que dans les médias généralistes. Parce que pendant ce temps, voguant loin des écrans radar, il y a de plus en plus d'initiatives spécialisées.

Certaines existaient bien avant Internet —du magazine Sierra, propriété du plus que centenaire groupe de pression Sierra Club, jusqu’à E : The Environmental Magazine, créé en 1991 par le Earth Action Network —et le fait qu'ils soient à but non-lucratif les a temporairement mis à l’abri des aléas de l’économie. D’autres sont des succès de l’Internet, le plus connu étant le cyber-magazine militant Grist, lui aussi à but non-lucratif, peut-être le pionnier (depuis 1999) des reportages au quotidien sur les changements climatiques (et fier de dire que certains reportages ont été repris par le Washington Post et le New York Times).

Le modèle des fondations ou du mécénat, déjà mentionné ici et ici, a également profité au journalisme environnemental américain, avec :

- Yale Environment 360 (reportages et analyses, financés par l’Université Yale) - Climate Wire (reportages et analyses, financés par un éditeur spécialisé) - Climate Progress (blogue militant et très populaire, financé par le Center for American Progress, un groupe de pression progressiste) - et Climate Central (qui a été défini comme « un groupe de recherches de scientifiques et de journalistes, lui aussi fier de dire que quelques-uns de ses reportages ont été diffusés par Newsweek et par l’émission Newshour de PBS). - Grist bénéficie lui aussi d’importants dons de fondations impliqués en environnement.

Selon un livre à paraître en mai, intitulé Environmenl Reporters in the 21st Century, 50% des journaux quotidiens américains, entre 2000 et 2005, avaient un journaliste assigné à l’environnement. Depuis, ce pourcentage n’a jamais cessé de diminuer. Son co-auteur, James Simon, professeur de journalisme à l’université Fairfield (Connecticut) et ancien journaliste environnemental à l’Associated Press, reconnaît que le lecteur véritablement intéressé peut facilement aller chercher son information ailleurs. Mais les lecteurs moyens « ont de moins en moins de chances de trouver ces informations dans leur journal quotidien ».

Il reste toutefois à prouver que ces modèles à but non lucratif et financés par le mécénat ont la capacité de survivre plus de quelques années. Les fondations ne sont pas elles non plus imperméables aux aléas de l’économie, ni aux pressions exercées sur le contenu. Mais dans le contexte actuel, elles offrent plus d’opportunités que les médias traditionnels.

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