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Une attaque conjointe d’un virus et d’un champignon : telle pourrait être la solution au mystère de la disparition des abeilles. Quoique on est encore incapable de dire lequel des deux frappe en premier... ni même s’il n’y aurait pas un troisième attaquant!

Le mystère porte un terme vague à souhait : le syndrome de l’effondrement des colonies. S’il est aussi vague, c’est parce que pendant un bon moment, la communauté scientifique n’avait aucune idée de ce qui le causait. Un virus ou le climat? Des pesticides ou une autre cause humaine?

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Mais partout où le phénomène a été observé, que ce soit en Amérique du nord depuis 2006 ou en Europe depuis 2007, avec une résurgence en 2010 survenue après une accalmie, partout, les symptômes sont les mêmes : la grande majorité d’une population d’abeilles déserte sa ruche en quelques jours. Comme on ne trouve pas d’autres ruches à proximité, on suppose qu’elles sont mortes. Et comme on retrouve très peu d’abeilles, cela rend difficile le travail des scientifiques qui veulent en faire des autopsies —déjà qu’en temps normal, l’autopsie d’une abeille ne doit pas être facile!

Le problème de l’effondrement des populations d’abeilles est loin d’être banal : l’abeille est l’un des plus importants pollinisateurs du monde, c’est-à-dire qu’elle transporte le pollen du point A au point B. En 2007, les plus inquiets ont émis comme hypothèse que jusqu’à un tiers des réserves alimentaires dépendrait des abeilles (au moins 90 types différents de fruits et légumes). Et en 2007, au plus fort de la crise, de 20 à 40% des ruches aux États-Unis furent affectées.

En 2007, des chercheurs américains résolvaient une partie de l’énigme : ils avaient identifié le génome d’un virus trouvé chez des abeilles mortes, et ce virus se trouvait à être le même, appelé IAPV, qui avait été identifié chez des abeilles israéliennes, en 2004. Là-bas, il était associé à la paralysie d’un grand nombre d’abeilles.

Ce qui pourrait expliquer en partie qu’on ne retrouve pas les abeilles mortes dans la ruche : elles ont le temps de partir, avec pour résultat que leurs cadavres sont éparpillés sur de grandes distances.

Le problème, c’est que le virus IAPV était déjà présent aux États-Unis longtemps avant 2006. Qu’est-ce qui pouvait donc expliquer cette « épidémie » soudaine?

Une association entre un second virus et un champignon, proposent à présent Jerry Bromenshenk, de l’Université du Montana, et une quinzaine de collègues, dans une étude parue le 6 octobre dans PLOS One . Le groupe, qui regroupe des entomologistes et des scientifiques de l’armée américaine, a comparé des abeilles mortes provenant de 31 ruches à travers les États-Unis en 2006 et 2007, avec des abeilles apparemment en bonne santé.

Ce sont des protéines présentes chez les abeilles mortes qui trahissent la présence de ces deux suspects, le virus IIV (invertebrate iridescent virus) et le champignon Nosema. Tous deux prolifèrent à des températures plus froides et surtout, à l'intérieur de l’estomac de l’abeille —ce qui suggère que sa capacité à s’alimenter est compromise petit à petit.

C’est cette « attaque sur deux fronts » qui aurait pu tromper les chercheurs précédents : ils cherchaient une seule cause commune, et trouvaient tantôt l’un des deux coupables, tantôt l’autre. En fait, reconnaissent les chercheurs, nous sommes incapables, à ce jour, de dire qui frappe le premier, du virus ou du champignon.

Et cet aveu d’ignorance ouvre toute grande la porte à d’autres critiques : les liens passés de Bromenshenk avec la multinationale des pesticides Bayer CropScience, sont en particulier pointés du doigt. Si on ignore qui, du virus ou du champignon, est la cause première, ne pourrait-il pas y avoir une autre cause première?

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