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Le problème avec l’exploitation accélérée de gaz de schiste, ce ne sont pas les dégâts causés à l’environnement, parce que personne ne sait quels dégâts il y aura. Le problème, c’est que peu de surveillants sont en place, si ça tourne mal.

Une enquête de longue haleine du magazine en ligne Pro Publica —qui fut le premier à suivre ce dossier, dès 2009— révèle qu’à mesure que les puits de forage s’additionnent aux États-Unis, les fuites dans la nature s’additionnent aussi. Révélant une inquiétante série de trous, au propre comme au figuré.

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Au sens propre : en dépit des promesses de l’industrie gazière, des rapports provenant d’un peu partout ne cessent de découvrir des fuites dans les puits de forages. L’eau contaminée ne reste pas sagement là où elle est censée rester, et surgit tantôt sur le sol, tantôt dans la nappe phréatique.

Au figuré : les inspecteurs sont trop peu nombreux et les réglementations, trop laxistes. Avec 680 000 puits à travers les États-Unis, écrit Pro Publica, les autorités admettent ne pas savoir combien fuient.

De la fin de 2007 à la fin de 2010, une violation à l’intégrité des puits —le terme savant pour une fuite ou une fissure qui risque d'en causer une— a été recensée pour chaque groupe de six puits d’injection examinés —soit plus de 17 000 violations à l’échelle nationale. Plus de 7000 puits ont montré des signes de parois qui fuient.

Certes, les contaminants utilisés pour fracturer la roche, quels qu’ils puissent être, sont en quantité minime par rapport à la quantité d'eau injectée dans chaque puits, et ils pourraient ne représenter aucun risque pour la santé. Quant au robinet qui s’enflamme, il fait de belles images dans le film Gasland (2011), mais il n’est pas représentatif de ces centaines de milliers de puits. Mais l’objection à cela —et le fil conducteur des enquêtes de Pro Publica et d’autres comme Climate Wire — est que la fracturation hydraulique, cette technologie qui a lancé l’exploitation à grande échelle du gaz de schiste, est une invention encore jeune : une décennie tout au plus. Nos connaissances sont donc très limitées.

La rareté des données

Aucune recherche scientifique approfondie n’a pu en examiner tous les aspects —la plus avancée est celle de l’Agence américaine de protection de l’environnement, dont le rapport est attendu d’ici un an. Dans l’intervalle, l’industrie a déjà eu le temps de laisser derrière elle des milliards de tonnes d’eaux usées, ainsi que des sols et des nappes phréatiques contaminés, notamment par de l’eau salée, en Californie, en Oklahoma, en Louisiane, en Floride ou en Pennsylvanie.

On parle de mini-séismes au Texas et en Ohio et de fractures dans la roche où l’eau usée qu’on disait avoir entreposée pour des millénaires s’est déjà déplacée. Comme la géologie n’avait jamais eu à examiner ce type de problème —suivre à la trace les déplacements d’une eau souterraine est ardu— les données scientifiques commencent à peine à entrer, et elles tendent plutôt à confirmer que les couches de roches, sous nos pieds, ne sont pas aussi sagement alignées qu’on le présentait dans les images des manuels scolaires.

Or, comme les règlementations sont floues et les inspections aléatoires, l’inquiétude réside du côté de tout ce qu’on n’aurait pas encore détecté. « Sommes-nous engagés sur une route que nous pourrions regretter dans le futur », demande Anthony Ingraffea, de l’Université Cornell.

Un rapport britannique publié le 28 juin par la Société royale souligne que les risques de contamination de l’eau potable par la fracturation hydraulique sont « très faibles », à condition que les compagnies « s’engagent dans des pratiques différentes de celles qui ont engendré des préoccupations » en Amérique du nord. En juin 2011, la France a imposé un moratoire sur ce type d’exploitation. En mai 2012, le Vermont est devenu le premier État américain à le faire —bien qu’aucune exploitation de gaz de schiste ne s’y fasse ni n’était prévue.

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