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Les États-Unis signent une entente sur le climat avec la Chine. Un pas en avant qui surprend, considérant que les États-Unis n’ont pas encore signé une telle entente... à Washington! Et il pourrait s’agir d’un mauvais signe pour le controversé pipeline Keystone.

Ceux qui critiquent le silence climatique de la première puissance mondiale ont en effet été étonnés par cette nouvelle: dans la fin de semaine du 13 avril, le secrétaire d’État John Kerry signait des ententes sur la lutte aux changements climatiques avec le Japon et surtout, avec la Chine. Déjà, alors qu’il était sénateur, Kerry s’était fait un des chefs de file de la lutte aux changements climatiques, un sujet pas très populaire depuis trois ans à Washington.

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C’est le même John Kerry qui, le 18 mars, y était allé d’un discours bien accueilli par les environnementalistes : «the science is screaming at us» —traduction libre: la science nous envoie un message très fort, un message d’action. Le Secrétaire d’État —l’équivalent d’un ministre des Affaires étrangères français ou canadien— en a remis une couche le 22 avril, à l’occasion du Jour de la Terre: «agir de manière responsable face au danger clair et immédiat des changements climatiques».

Ce qui peut sembler contradictoire avec la prise de position récente du ministère de John Kerry, le Département d’État, sur le pipeline Keystone. Son ministère a en effet rendu une prise de position favorable à la construction de ce pipeline qui doit relier les sables bitumineux de l’Alberta aux raffineries du Texas, alléguant que les impacts environnementaux seraient minimaux. La décision repose à présent entre les mains de la Maison-Blanche, et elle est attendue cet été.

Sauf que cette semaine, l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA), a jeté un nouveau pavé dans la mare en publiant le 22 avril une lettre critiquant sévèrement l’évaluation favorable du Département d’État. L’EPA juge que cette évaluation s’appuie sur «des informations insuffisantes».

Ces informations insuffisantes tournent en particulier autour de deux réalités scientifiques mal établies :

  • le pétrole issu des sables bitumineux émettrait 17% d’émissions de gaz à effet de serre de plus que le pétrole «traditionnel», et peut-être davantage encore;
  • ce pétrole est également plus lourd, ce qui, en cas de déversement dans l’eau, pourrait être encore plus dommageable, mais on n’en est pas sûr. Le déversement catastrophique de 2010 dans la rivière Kalamazoo est cité en exemple —trois ans plus tard, écrit Cynthia Giles, de l’EPA, le pétrole ne s’est pas encore dégradé de façon significative.

En réponse à cette lettre-coup-de-poing, la compagnie TransCanada, responsable de la construction du pipeline, a répondu le 23 avril que l’EPA n’avait pas à se mêler des affaires canadiennes. La note de l’EPA, poursuit la compagnie, sous-estimerait «les efforts significatifs entrepris par le Canada et l’Alberta» pour réduire l’impact environnemental des sables bitumineux.

Un commentaire de l’EPA mettant à ce point l’accent sur des «objections environnementales» constituerait une rareté, selon le blogueur du groupe environnemental Conseil de défense des ressources naturelles :

[Son] importance ne doit pas être sous-estimée. La position de l’EPA sur les analyses environnementales représente l’avis d’expert le plus poussé sur la validité du processus [d’évaluation du projet Keystone].

Ces malaises expliquent que ces dernières semaines, des politiciens d’Ottawa et de l’Alberta soient venus à Washington pour vendre le projet Keystone. Le 24 avril encore, le ministre des Ressources naturelles Joe Oliver, choisissait de s’en prendre au climatologue américain James Hansen, «qui devrait avoir honte», selon le ministre, d’avoir critiqué le pétrole albertain comme il l’a fait. Mais l’attitude combattive du secrétaire d’État, combinée aux nouvelles critiques de l’EPA et aux doutes qu’elles font planer sur la validité de l'étude d’impact, laisse de moins en moins de marge de manoeuvre à ceux qui veulent justifier l’existence du nouveau pipeline.

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