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Tout ce qu’on savait des Dénisoviens, un groupe d’humains disparus il y a peut-être 40 000 ans, c’était un os de doigt, un os d’orteil, deux dents... et à présent, un gène qu’ils ont transmis aux Tibétains et qui permet à ceux-ci de vivre en bonne santé à haute altitude.

Dans un de ces retournements de situation dont n’auraient jamais rêvé ceux pour qui, il y a 10 ans, reconstituer l’arbre de nos ancêtres se limitait à collectionner des os, des chercheurs ont tracé un lien entre une mutation d’un gène chez les Tibétains, identifiée en 2010, et un gène identifié chez ce lointain et mystérieux cousin d’il y a 40 000 ans.

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Ce gène, appelé EPAS1, qui encode d’autres gènes impliqués dans la production de globules rouges, est apparemment derrière le processus qui permet aux Tibétains de vivre dans l'Himalaya, à 4000 mètres d’altitude, là où l’air contient 40% moins d’oxygène, et de ne pas s’en porter plus mal. On croyait la mutation très récente, puisque 87% des Tibétains en sont porteurs, contre seulement 9% des Hans (le peuple chinois dit «historique»), alors que les deux groupes se sont séparés il y a seulement 3000 ans.

Mais en réalité, révèle cette semaine une étude dans la revue Nature, la mutation présente chez les Tibétains a une origine plus ancienne. Et c’est en fouillant dans les génomes humains déjà décodés que les chercheurs ont trouvé son double presque parfait: chez le Dénisovien.

On sait très peu de choses de ce Dénisovien. Le doigt, l’orteil et les deux dents ont été trouvés dans une caverne appelée Denisova, près de la Mongolie. En 2010, l’équipe du paléogénéticien Svante Pääbo s’est employée à séquencer ses gènes et a eu la surprise de découvrir qu’ils ne correspondaient ni au Néandertalien, notre cousin de l’époque, ni à l’Homo sapiens —nous. Pas assez pour amener les chercheurs à affirmer hors de tout doute qu’il s’agit d’une troisième espèce humaine, mais assez pour en parler comme d’une «lignée génétiquement distincte». En 2013, un squelette plus complet, en Espagne, et vieux de 400 000 ans celui-là, révélait davantage de similitudes génétiques avec ce Dénisovien qu’avec les Néandertaliens qui allaient plus tard peupler l’Europe.

Le Dénisovien, comme le Néandertalien, est vraisemblablement un lointain descendant des hominidés qui, longtemps avant l’Homo sapiens, ont quitté l’Afrique et migré à travers l’Europe et l’Asie. Par la suite, au cours des 60 000 dernières années, des Homo sapiens ayant à leur tour quitté l’Afrique ont croisé la route de ces cousins, ont eu des enfants, et certains des gènes ont survécu jusqu’à nous.

Ces dernières années, cette hypothèse d’hybridation a donné lieu à plusieurs spéculations: certains de nos gènes liés à la couleur de la peau ou des cheveux pourraient avoir une origine néandertalienne, tout comme des gènes devenus nécessaires au bon fonctionnement de notre système immunitaire.

Mais dans le cas du gène EPAS1, on est pour l’instant devant un mystère: un tel gène n’aurait été d’aucune utilité à l’individu de la caverne Denisova, dans les monts Altaï, qui ne sont pas à une altitude très élevée. Était-ce un gène dormant qui n’allait se révéler utile que beaucoup plus tard, ou un gène qui avait déjà une autre utilité, comme la résistance au froid? Les chercheurs brûlent de mettre le doigt sur d’autres Denisoviens.

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