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Traditionnellement, les physiciens aimaient dire que le rêve d’une énergie produite par la fusion nucléaire était perpétuellement à 50 ans dans le futur. Que ce soit en 1950 ou en 2000, c’était toujours « dans 50 ans ». Mais depuis 2022, l’horizon se rapproche peut-être. 

En décembre de cette année-là, des résultats préliminaires en provenance du Laboratoire national Lawrence Livermore (LNLL), en Californie, faisaient état d’une percée « historique »: pour la première fois, un réacteur à fusion nucléaire avait produit plus d’énergie que ce qu’il lui avait fallu pour en produire. Une étape qui relève de l’évidence : personne ne voudrait d’une source d’alimentation en électricité qui dépenserait plus d’électricité que ce qu’elle produirait. Mais une étape qui rappelait l’immense difficulté que représente la fusion nucléaire.

La fusion, c’est ce qui se produit dans une étoile, comme notre Soleil, et qui lui permet de briller en permanence. Alors que l’humanité maitrise la fission depuis trois quarts de siècle —les centrales nucléaires et les bombes atomiques, entre autres— la fusion, elle, n’a pu être réalisée  que dans des conditions très contrôlées et des fractions de seconde —comme avec ces centrales expérimentales sous le nom de Tokamak, depuis les années 1960. Qui plus est, la fusion nucléaire nécessite des conditions de chaleur et de pression gigantesques, qui sont propres au coeur des étoiles: les atomes d’hydrogène fusionnent entre eux pour former de l’hélium, libérant ce faisant une immense quantité d’énergie.

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Sauf que si des armées de physiciens et d’ingénieurs y travaillent autant depuis des décennies, c’est parce que, si on y arrivait, on aurait sous la main une source d’énergie illimitée —comme le Soleil— et sans déchets —au contraire des réacteurs nucléaires actuels.

Dans une série de cinq articles publiés le 5 février dans la revue Physical Review Letters, des chercheurs de plusieurs équipes confirment ce qui avait été annoncé en conférence de presse en décembre 2022: 192 lasers ont envoyé l’équivalent de 2,05 mégajoules d’énergie sur une capsule de la taille d’un dé à coudre contenant de l’hydrogène; la chaleur ainsi générée (150 millions de degrés) a provoqué la fusion des atomes d’hydrogène, produisant 3 mégajoules d’énergie —soit un gain net.

Les différentes équipes vont aussi au-delà, mentionnant que d’autres essais ont, depuis, généré encore plus d’énergie: alors que le gain net de décembre 2022 était de 1,5 fois l’énergie des lasers, une expérience en septembre 2023 aurait atteint 1,9 fois.   

Mais les experts en question rappellent aussi les mêmes bémols qui avaient été soulevés en 2022: 

  • d’une part, s’il est exact de dire que ces lasers n’ont envoyé « que » 2 mégajoules d’énergie pour réussir à en produire 3, il ne faut pas perdre de vue que l’électricité nécessaire pour faire fonctionner ces 192 lasers s’élève, elle, à 300 mégajoules ;
  • d’autre part, chacune de ces libérations d’énergie ne dure qu’un minuscule moment —moins d’un milliardième de seconde dans le cas de l’expérience du 5 décembre 2022;
  • et il a fallu pour cela les lasers les plus puissants du monde, formant une installation de la taille d’un stade sportif (National Ignition Facility) qui a coûté 3,5 milliards et qui poursuit cet objectif depuis 2009;
  • la chaleur générée est telle que l’opération ne peut être répétée qu’après plusieurs heures. 

Autrement dit, les optimistes ont des raisons de prétendre que des avancées ont été faites vers la fusion nucléaire. Personne ne peut affirmer si elle est vraiment, désormais, à moins de 50 ans dans le futur. Mais le temps pour le savoir se mesure encore en décennies.

 

 

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