Une tempête dans une éprouvette
(ASP) - Les restrictions imposées
par le président Bush à la recherche sur
les cellules-souches risquent-elles de faire perdre
aux Etats-Unis leur position de meneur dans ce domaine
de la recherche? Plusieurs craignent que oui du
moins, aux Etats-Unis; puisquailleurs, comme en
Grande-Bretagne, certains aimeraient bien leur ravir
cette position de tête, et tout ce qui va avec :
chercheurs de pointe, et investissements massifs du
secteur privé.
"Menée par lignorance,
le conservatisme et la peur de linconnu, nos chefs
politiques ont entrepris des lois qui supprimeront ce
type de recherche... Je crois que notre pays risque
dêtre renvoyé aux Ages obscurs de
la recherche médicale."
Celui qui ny va pas avec le dos
de la cuiller avec ce commentaire est Jim Clark, bonze
de linformatique qui, dans un texte dopinion
publié par le New York Times il y a un
mois, annonçait quil suspendait indéfiniment
60 des 150 millions$ quil prévoyait donner
à lUniversité Stanford de Californie.
La recherche sur les cellules-souches
pourrait, si les espoirs les plus fous des experts se
réalisent, permettent de produire, en éprouvette,
à partir dune poignée de cellules
prélevées sur des embryons de quelques
jours, nimporte quel organe (poumon, foie, rate,
etc.) ou tissu (peau, tissu cérébral,
etc.) de notre corps. Sauf que pour cela, il faut utiliser
des embryons, chose à laquelle sopposent
férocement les milieux pro-vie.
Comme pour donner du poids aux craintes
des chercheurs américains, en juillet, Roger
Pedersen, de lUniversité de Californie
à San Francisco, spécialiste des cellules-souches,
annonçait quil déménageait
à lUniversité Cambridge, en Angleterre,
invoquant pour son choix un meilleur "soutien politique"
des Britanniques à son champ de recherche. Et
comme par hasard, la compagnie californienne Geron a
commencé ces dernières semaines à
faire en sorte que les journalistes spécialisés
soient tous tenus au courant de la "possibilité"
que certains de ses investissements soient redirigés
vers sa succursale britannique Geron BioMed. Le magazine
économique Business Week a fait écho
à ces craintes dans son édition du 10
septembre, sous un titre tout à fait adapté
à ses lecteurs-investisseurs doit le poids politique
nest plus à négliger: "Sur
la sellette: une chance en or dans les biotechnologies".
Plus nuancée, la revue savante
Nature, revue britannique, résume dans
sa dernière
édition (nécessite
une inscription gratuite) lopinion de plusieurs
scientifiques interrogés à ce sujet :
à leurs yeux, il nexiste aucun "danger
imminent" dun exode de cerveau des Etats-Unis
vers lEurope ou lAsie, et encore moins de
voir le pays de George Bush perdre son avance en biomédecine.
Les salaires payés là-bas restent encore
hautement compétitifs, pour ne pas dire généreux,
et largent de Jim Clark nétait pas
dirigé que vers les cellules-souches, loin de
là. Par ailleurs, il y a cette ouverture du président
Bush à une recherche sur une soixantaine de lignées
déjà existantes de cellules-souches qui
aura de quoi occuper les experts pendant la prochaine
année... en attendant mieux : car nul doute
que si les États-Unis se mettent vraiment à
prendre du retard, et à voir des investissements
fuir, le président Bush et son cabinet seront
lobjet dintenses pressions...