Les revues scientifiques contre les commerçants
(ASP) - Comme nous
vous l'avions annoncé le mois dernier (lire notre
capsule
du 20 août), 13
des plus prestigieuses des revues médicales ont
posé conjointement, pour la première fois,
un geste concret pour contrer l'ingérence des
compagnies pharmaceutiques dans la recherche. Elles
ont publié en même temps, dans leur édition
actuellement en kiosque, une
série de règles auxquelles devront désormais
se soumettre les chercheurs, s'ils veulent être
publiés.
Parmi ces nouvelles
exigences: tous les chercheurs devront fournir à
la revue, en même temps que leur article, toute
information pertinente sur leur rôle et le rôle
des compagnies ayant financé la recherche en
question. Ils devront signer une déclaration
affirmant qu'ils acceptent pleine responsabilité
pour la façon dont l'étude a été
menée, et publiée, et qu'ils ont eu un
accès sans restrictions à l'ensemble des
données. S'ils refusent de satisfaire à
ces exigences, les chercheurs ne seront tout simplement
pas publiés -ce qui, dans l'univers du "publier
ou périr", devrait être un fort incitatif.
C'est qu'au cours des
dernières années, lingérence
des compagnies privées dans le travail du chercheur
soi-disant libre et indépendant, a été
de plus en plus souvent dénoncée. Entre
la manie du secret de ces compagnies, qui empiète
sur la libre-circulation de linformation, et les
lucratifs contrats offerts au chercheur, qui empiètent
aussi sur la libre-circulation de linformation,
certaines revues de haut niveau ont commencé,
depuis lan dernier, à réclamer davantage
de transparence.
Exemple troublant:
l'an dernier, une équipe de l'Université
de Californie à San Francisco avait publié
une étude démontrant qu'un médicament
anti-sida développé par la compagnie californienne
Immune Response Corporation avait peu d'effets. La compagnie,
qui s'était opposée à la publication,
a déposé une poursuite contre l'université,
alléguant que cet article avait nui à
ses affaires.
Les 13 revues, dont
les britanniques The Lancet et le British
Medical Journal, les américaines New England
Journal of Medicine et Journal of the American
Medical Association, et la Canadian Medical Journal
Association, publient également dans leur
édition en cours un éditorial commun -un
geste rarissime, pour ne pas dire inédit. On
y lit entre autres: "cette initiative ne doit pas être
vue comme une attaque contre l'industrie pharmaceutique.
Plusieurs compagnies ont des normes éthiques
élevées et ne verront aucun problème
à satisfaire à ces nouvelles politiques."
Quant aux autres, on se croise les doigts