La carte du Vinland rend toujours aussi sceptique
(ASP) - Les intéressés ont
fait grand cas, la semaine dernière, du fait
que le débat sur la carte du Vinland était
relancé. Une datation au carbone-14 de cette
carte la daterait des environs de l'an 1430 ou 1440,
ce qui en ferait la plus ancienne carte à présenter
un morceau de l'Amérique.
Sauf qu'en réalité, la datation
n'a pas fait avancer le débat d'un poil.
La carte du Vinland est une carte du monde
que l'on affirme avoir été dessinée
au XVe siècle. Les contours de l'Europe, de l'Asie
et de l'Afrique correspondent effectivement à
ce qu'on en connaissait à l'époque, juste
avant que ne commencent les voyages de grandes découvertes.
Sauf que sur la gauche, apparaissent deux terres inattendues:
le Groenland d'abord qui, même s'il était
connu des cartographes, a rarement été
aussi bien dessiné -il apparaît nettement
comme une île- et surtout, encore plus à
l'Ouest, une île vaguement rectangulaire, désignée
sous le nom de "Vinland". Soit le nom que les Vikings
avaient donné à une terre découverte
à l'Ouest, et qu'on présume avoir été
Terre-Neuve.
Sauf que les origines de cette carte sont
mystérieuses. Elle n'a surgi dans l'histoire
qu'en 1957. L'Université américaine de
Yale l'avait alors payé un million de dollars,
et en avait retiré toute une publicité:
l'idée que les Vikings aient mis pied en Amérique
avant Christophe Colomb était encore controversée.
Ce n'est que plus tard qu'on retrouvera, au site désormais
célèbre de l'Anse-aux-Meadows (Terre-Neuve)
les premières preuve matérielles.
Dès le début, l'authenticité
de cette carte a été mise en doute. Le
contour du Groenland paraissait anormalement juste,
et le fait qu'elle ait surgi de nulle part, cinq siècles
après avoir été dessinée,
rendait sceptique. Or, ce que viennent d'annoncer des
physiciens du Laboratoire national Brookhaven à
Upton (New York), et qui leur a valu les gros titres
dans plusieurs journaux à travers le monde, c'est
que le parchemin sur lequel cette carte a été
dessinée date bel et bien du milieu du XVe siècle.
Soit 50 ou 60 ans avant Christophe Colomb.
Cela confirme-t-il l'authenticité
de la carte? Sûrement pas, puisqu'une autre analyse,
chimique celle-là, parvenue du Collège
universitaire de Londres et portant, elle, sur l'encre,
révèle des anomalies dans le tracé
du "Vinland", comme si la plume d'oie utilisée
n'avait pas été la même que pour
le reste de la carte. Ou comme si quelqu'un était,
très récemment, repassé par-dessus
le travail d'un géographe du Moyen âge
Cette dernière analyse est plus
complexe que la première, et ne permet pas de
conclure de façon définitive -un auteur
du XVe siècle aurait fort bien pu utiliser une
deuxième plume d'oie en cours de travail. Mais
on ne peut s'empêcher de rapprocher cette analyse
de la toute première analyse des cristaux contenus
dans l'encre qui, en 1974, avait révélé
l'existence d'un pigment qui n'aurait été
inventé qu'en 1923. Ces résultats eux-mêmes
sont contestés depuis un quart de siècle
par ceux qui croient dur comme fer en l'authenticité
de la carte. De sorte que ce ne sont pas les résultats
annoncés ce mois-ci qui vont faire pencher la
balance du débat, d'un côté ou de
l'autre.