Hier, c'étaient les stéroïdes.
Aujourd'hui, les hormones. Demain, sans doute, les gènes.
Mais une fois qu'on a dit ça, on n'a pas dit grand-chose:
les variations sont infinies et les procédés
pour les rendre indétectables se multiplient à
mesure que s'accroît le savoir en microbiologie, en
endocrinologie ou en génétique. Il y a seulement
15 ans, il suffisait de suspendre le "régime" de
stéroïdes assez longtemps avant une compétition
pour qu'il n'en subsiste plus de trace dans l'urine. Aujourd'hui,
les chercheurs doivent imaginer des technologies qui n'existent
pas encore pour détecter des composés chimiques
synthétiques qui n'ont pas encore été
inventés, ou pour détecter des protéines
tout à fait naturelles qui moussent la capacité
du corps à se construire du muscle, entreposer du
gras ou accumuler de l'oxygène.
Pour résumer, le combat se déroule
sur trois fronts.
1. D'abord, les stéroïdes:
jusqu'en 2002, les forces antidopages croyaient avoir gagné
la bataille. A ce moment, en effet, les nouvelles techniques
rendaient désormais possible d'en détecter
même des quantités infinitésimales.
Autrement dit, même si vous n'en preniez plus de des
semaines, votre pipi pouvait vous trahir.
Et puis, arriva une révélation:
des versions synthétiques de stéroïdes
circulaient, capables d'échapper aux détecteurs
puisque ceux-ci n'avaient pas été "calibrés"
pour ces versions. L'Agence antidopage américaine
recevait, en juin 2003, d'une source anonyme, une seringue
usagée contenant du THG, un composé chimique
jusque-là inconnu (voir
ce texte).
2. Ensuite, les hormones. Si détecter des
stéroïdes inconnus est déjà difficile,
détecter des hormones qui sont naturellement produites
par notre corps l'est plus encore! Rappelons en efet le
principe: notre corps produit des hormones, comme l'EPO,
produite par nos reins et qui stimule la production de globules
rouges, de sorte que le sang transporte davantage d'oxygène.
Ce qui devient drôlement important dans une activité
sportive...
Or, le niveau de ces hormones fluctue d'heure
en heure et d'une personne à l'autre; par exemple,
les personnes vivant en altitude produisent davantage d'EPO,
pour compenser le faible taux d'oxygène dans l'air;
c'est de là qu'est venue l'idée des tentes
à oxygène sous lesquelles dorment désormais
plusieurs athlètes. Autre cas: l'hormone humaine
de croissance fait partie d'un processus biochimique indispensable
à la bonne marche de nos muscles et à l'élimination
du gras; elle n'est donc pas produite à toute heure
du jour et sa production varie en fonction de l'activité
physique et de l'alimentation de chacun.
Résultat de ces fluctuations: la seule
chance qu'ont les médecins anti-dopage est de détecter
des "signaux secondaires": des traces indiquant que quelqu'un
a joué avec la chimie naturelle de son? L corps.
Mais que peuvent être ces signaux secondaires, où
peut-on les trouver et comment déterminer leur fiabilité?
Là-dessus, exception faite de l'EPO (les tests imposent
notamment une limite au pourcentage de globules rouges),
presque tout reste à inventer. À Athènes,
de nouveaux tests seront en place à propos de l'hormone
humaine de croissance.
3. Dernier front: les gènes. Les journaux
ont commencé tout doucement, cette année,
à évoquer cette perspective digne de la science-fiction.
S'il est certain qu'aucun athlète olympique, à
Athènes, n'est le résultat d'une manipulation
génétique, ce n'est plus qu'une question d'années
avant que quelques-uns ne soient prêts à risquer
leur vie sur une thérapie génique: par exemple,
pour activer un gène tel IGF-1, dont la tâche
serait de stimuler la force musculaire.
Ces gènes-clefs sont en passe d'être
tous identifiés; certains le sont déjà.
Par contre, on ignore totalement quel impact aurait une
pareille thérapie génique; car depuis 15 ans
qu'elle est expérimentée, la thérapie
génique a engendré nombre de promesses, mais
fort peu de résultats positifs
et quelques
échecs désastreux. Peu importe: il y a en
effet fort à parier que dans un coin ou l'autre du
monde, plusieurs athlètes-en-devenir n'auront pas
la patience d'attendre... Et comment un test antidopage
pourra-t-il bien détecter un gène altéré,
alors que la science de la génétique elle-même
n'en est qu'à ses premiers balbutiements?