Les environnementalistes le prédisent
depuis longtemps: l'une des premières conséquences
concrètes du réchauffement de la planète,
ce sera la formation d'ouragans plus violents, donc plus
destructeurs. Or, ils
viennent d'en obtenir la confirmation, sous la forme
d'une analyse des observations satellites accumulées
au cours des 35 dernières années: depuis 1970,
et tout particulièrement depuis 10 ans, il y a moins
d'ouragans, mais ils sont plus violents.
Le problème, c'est qu'aucun scientifique
n'est prêt à blâmer les gaz à
effet de serre parce que 10 ans, c'est une période
de temps beaucoup trop courte: il pourrait tout bonnement
s'agir d'une fluctuation naturelle.
En attendant, les chiffres sont là:
- au début des années 1970,
le nombre d'ouragans atteignant les catégories
4 (comme Katrina qui vient de dévaster le Sud des
États-Unis) ou 5 soit des vents de plus de
200 kilomètres à l'heure était
d'une dizaine par année;
- aujourd'hui, le nombre de tels ouragans
est de 18, lit-on dans cette analyse des données
publiée dans la dernière édition
de la revue américaine Science,
sous la plume d'une équipe dirigée par Peter
Webster, de l'Institut de technologie de Georgie à
Atlanta;
- Kerrry Emanuel, météorologue
spécialiste des ouragans au Massachusetts Institute
of Technology, était arrrivé un mois et
demi plus tôt, dans la revue Nature, à
la même conclusion: la "puissance" totale relâchée
par un ouragan (calcul complexe basé sur les vents
les plus violents) a augmenté de près de
50% depuis 1960;
- la diminution du nombre d'ouragans
(ou de typhons, comme on les appelle dans le Pacifique)
se traduit aussi par une diminution du nombre de jours
de tempêtes.
Pourtant, il y a une étrange exception.
Le nombre d'ouragans et de typhons a diminué dans
toutes les mers chaudes, sauf dans l'Atlantique Nord. C'est
plus qu'étrange, c'est énigmatique, puisque
si le réchauffement de la planète est à
blâmer, alors la montée en puissance des ouragans
devrait être uniforme, partout sur la planète.
Rappelons ici que c'est la température
à la surface des eaux qui
constitue le facteur déterminant dans la formation
d'un ouragan. Or, la planète se réchauffe
un peu partout: Webster et son équipe parlent d'une
hausse moyenne de 0,5 degrés Celsius entre 1970 et
2004, à la surface des océans.
"Il doit y avoir un mécanisme naturel
complexe en jeu, que nous ne comprenons pas encore complètement",
résume Judy Curry, elle aussi spécialiste
des ouragans à l'Institut de technologie de Georgie.
C'est pourquoi les tentatives
d'associer Katrina à une tendance causée par
l'homme sont prématurées, et que les chercheurs
ont été très réticents à
le faire depuis la semaine dernière.
Pascal Lapointe