La supraconductivité est un sujet très populaire en physique et qui reçoit énormément d'attention de la part des grandes revues scientifiques, telles que Nature et Science, de même que des médias grand public. C'est un peu frustrant pour un physicien comme moi, qui ne travaille pas sur le sujet, mais on s'y fait.

La supraconductivité fut découverte en 1911, par le physicien Heike Kamerlingh Onnes, qui fut également le premier à liquéfier l'hélium (on se rappelle que l'hélium bout à environ 4 Kelvins, soit -269 degrés Celsius...). Après avoir réussi à refroidir l'hélium à une telle température, Kamerlingh Onnes se mit à mettre un peu n'importe quoi dans son cryostat (un réfrigérateur de haute puissance) et voir ce qui se passait. Refroidissant un échantillon de mercure, il découvrit avec stupeur que la résistivité de ce métal tombait brutalement à zéro autour de 4 K : dans cet état, un courant électrique pouvait passer à travers l'échantillon sans aucune résistance, c'est-à-dire sans le chauffer du tout. Or, tous les matériaux chauffent lorsqu'on passe un courant électrique à travers eux, c'est le principe même du grille-pain et de l'élément de poêle. Tous? Non, par les matériaux supraconducteurs, qui font classe à part.

L'explication pour le comportement de ces matériaux, qui ont aussi la propriété de repousser tout champ magnétique qui tente de les traverser, prit du temps à venir et ce n'est qu'en 1957, 46 ans après la découverte expérimentale, que les physiciens américains John Bardeen, Leon Cooper et Robert Schrieffer expliquèrent l'origine physique du phénomène. Lorsqu'on applique un courant électrique, les électrons dans un métal à l'état normal se mettent à bouger, mais se frappent contre les atomes, ce qui cause de la résistance et chauffe le système. Dans l'état supraconducteur, les électrons se déplacent deux par deux dans un état corrélé avec les vibrations des atomes, dans une chorégraphie complexe où les collisions sont complètement évitées, ce qui permet aux électrons de bouger sans aucune résistance.

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Cet état corrélé ne peut exister qu'à très basse température (jusqu'à environ 30 degrés au-dessus du zéro absolu, qui se trouve à -273,15 degrés Celsius), car il faut que les vibrations atomiques soient relativement faibles. Il y a un peu plus de 20 ans, on a découvert une nouvelle classe de matériaux, des céramiques isolantes, qui montrent de la supraconductivité jusqu'à 140 degrés au-dessus du zéro absolu! Or, bien qu'on comprenne plusieurs aspects de ce phénomène, on ignore encore la vraie explication de la supraconductivité à haute température. Comme on peut l'imaginer, ce casse-tête ne manque pas d'intriguer les physiciens et une fraction importante de ceux-ci travaillent sur ce problème.

C'est ici qu'entre en scène mon collègue Andrea Bianchi, un des nombreux physiciens qui s'intéressent de près à la supraconductivité. Toutefois, au lieu d'étudier les matériaux supraconducteurs à haute température, il a préféré regarder une autre classe de supraconducteurs découverts récemment. L'idée est simple : comme il est difficile de préparer des échantillons de matériaux supraconducteurs à haute température de grande qualité (c'est-à-dire sans impuretés) et donc de faire des expériences fiables, il peut être préférable de tester certaines idées sur des matériaux moins exceptionnels, mais beaucoup mieux contrôlés.

Ce faisant, le professeur Bianchi, un citoyen suisse qui vient tout juste d'être embauché dans mon département, a découvert que les forces magnétiques pourraient remplacer les vibrations entre atomes pour stabiliser le déplacement des électrons et, peut-être, permettre de développer des matériaux qui seraient supraconducteurs à la température de la pièce.

Bien sûr, il y a loin de la coupe aux lèvres et personne ne sait si cette découverte livrera ou non la marchandise. Quoi qu'il en soit, l'importance de cette découverte est suffisante pour lui valoir une publication dans la revue Science, une des plus prestigieuses du monde scientifique.

Si vous voulez en savoir un peu plus sur cette découverte, je vous invite à jeter un coup d'oeil sur le communiqué publié par l'Université de Montréal. Et entretemps, ne manquez la nouvelle émission scientifique, le Code Chastenay, présentée à Télé-Québec le lundi à 20 heures.

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