Vos cellules souches sont des amies qui vous veulent du bien mais parfois, certaines d’entre elles ne savent pas quand s’arrêter et vous mènent à votre perte : c’est le cancer. Bonne nouvelle : en laboratoire, la recherche sur les cellules souches permet aujourd’hui de traquer une à une ces cellules mal intentionnées et d’identifier des médicaments permettant de les détruire ou de bloquer leur développement. Et pour bien des chercheurs canadiens, les retombées pratiques de ces recherches semblent de plus en plus en voie de devenir réalité.

Près d’une décennie après que John Dick, pionnier de la recherche sur les cellules souches du cancer, ait révélé l’existence de ces cellules anarchiques lors d’une expérience sur la leucémie, Peter Dirks, neurochirurgien à l’hôpital pour enfants SickKids et professeur à l’Université de Toronto, découvre des cellules souches cancéreuses dans une tumeur cérébrale. Cette importante découverte fut publiée dans Nature en novembre 2004.

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Le Dr Dirks voulait savoir pourquoi des tumeurs en apparence complètement extraites au cours d’une chirurgie pouvaient ressurgir quelques mois après l’intervention. Il obtint sa réponse en identifiant une cellule qui possède les mêmes caractéristiques qu’une cellule souche, à savoir la capacité de se reproduire et de produire des descendants spécialisés. Toutefois, cette cellule se comporte d’une façon anormale : une fois lancée dans la génération de ses descendants, elle ne s’arrête pas. C’est cette production ininterrompue de cellules spécialisées qui donne naissance à une tumeur et il suffirait d’une infime quantité de cellules souches pour l’entraîner. C’est ce qui expliquerait qu’une tumeur puisse réapparaître après une chirurgie.

Ces cellules rares mais puissantes ont depuis été associées à d’autres types de cancers. Dans ce domaine de recherche encore jeune, d’autres découvertes viendront certainement mais celles réalisées jusqu’à maintenant nous donnent déjà une meilleure idée de l’ennemi à combattre. Cependant, l’identifier demeure une tâche ardue.

En effet, comme le disaient James Till et Ernest McCulloch : vues sous le microscope, les cellules se ressemblent. C’est pour cette raison que les pères de la recherche sur les cellules souches ont développé une méthodologie qui leur a permis de caractériser les cellules souches offrant ainsi un outil essentiel pour les reconnaître. Mais détecter ces cellules nécessite encore aujourd’hui de les étudier longuement.

Aussi, lorsqu’il s’agit de repérer des cellules souches cancéreuses, les chercheurs se heurtent à une double difficulté : ils doivent non seulement identifier les cellules souches; ils doivent aussi reconnaître celles qui sont malignes. Certaines recherches donnent l’espoir de les dépister plus facilement : par exemple, en janvier 2009, Nature Biotechnology présentait une découverte de Mick Bhatia, biologiste moléculaire et directeur du Stem Cell and Cancer Research Institute de l’Université McMaster, qui est arrivé à déterminer des critères biochimiques qui pourraient faciliter la distinction entre les bonnes et les méchantes cellules souches.

L’importance de cibler avec précision les cellules souches du cancer se mesure par la possibilité de tester directement sur elles des médicaments qui pourraient les détruire : John Dick a trouvé un médicament capable de stopper le développement d’une leucémie humaine chez un groupe de souris; Peter Dirks a mis au point une technique permettant de cultiver in vitro des cellules souches cancéreuses afin de tester de nombreux médicaments. Le Dr Dirks, dont les recherches sur les médicaments sont toujours en cours, est parvenu à dresser une liste restreinte d’environ quarante d’entre eux ayant un potentiel thérapeutique. Il discute de ses travaux et de la recherche dans ce domaine dans l’édition d’octobre 2009 de la revue Nature. La technique qu’il a mise au point pourrait conduire à des traitements personnalisés où la réaction des cellules d’un patient à divers médicaments serait analysée en laboratoire afin de déterminer le meilleur médicament à administrer.

Certes, ces possibilités cliniques ne se sont pas encore concrétisées. De plus, avec la découverte des cellules souches cancéreuses, la recherche sur les cellules souches nous a rappelé que toute médaille a son revers. Néanmoins, quelle que soit la nature des cellules souches, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, les caractéristiques qu’elles partagent nous permettent d’espérer que la compréhension de l’une nous donnera de nouveaux moyens pour mieux saisir l’autre.

Julie D.

Ce billet a été écrit dans le cadre d'un travail d'équipe pour le cours RED2301 - Problèmes de vulgarisation, donné par Pascal Lapointe, à l'Université de Montréal à la session d'hiver 2011.

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