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Tout au long du 20e siècle, la vulgarisation scientifique n’a jamais été facile à vendre... au-delà de la communauté des « convertis ». Avec Internet toutefois, il est devenu beaucoup plus facile de varier contenants et contenus, dans une quête frénétique pour sortir de la zone de confort. Portrait d’une expérience inédite des deux côtés de l’Atlantique.

Les amateurs français de culture scientifique qui lisent Science-Presse connaissent probablement déjà Knowtex . Mon défi en écrivant ce billet —résultat d’un échange de courriels entre Knowtex et Science-Presse—était donc de trouver les mots qui feront comprendre aux lecteurs québécois en quoi cette expérience se distingue, sans pour autant emmerder les lecteurs français.

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Une piste pourrait être celle-ci : Français, vous réalisez peu à quel point les Québécois « branchés » restent incrédules devant le fait que la France, forte de neuf fois plus d’habitants que le Québec, ait pu être aussi lente à « découvrir » Internet. La lenteur avec laquelle elle s’est approprié le Web dans les années 1990 a souvent fait jaser ici, puis la lenteur avec laquelle ses médias ont investi Internet puis la lenteur avec laquelle ses organismes de vulgarisation scientifique ont expérimenté de nouvelles formules. À quelques notables exceptions près, comme les blogueurs du Café des sciences dès 2006.

Depuis deux ans par contre, il y a indéniablement une explosion d’initiatives originales —si rapide que, depuis mon côté de l’Atlantique, il est difficile d’en démêler les joueurs. Et c’est peut-être ce qui explique la place rapidement prise par Knowtex sur l’échiquier, avec cette idée première d’être « une plateforme d’agrégation de liens autour desquels pourront se développer de multiples services ». Dans les mots de son co-fondateur Nicolas Loubet, au milieu d’un échange récent par courriel :

Le point de départ était le suivant : offrir une liste de ressources qualifiées et organisées prolongeant l’offre de médiation culturelle proposée par des établissements comme le Palais de la découverte.

En arrière-plan de la naissance de Knowtex à l’été 2008, il y avait aussi la création d’une entreprise par Loubet, alors étudiant en géosciences à l’Université Paris-7 Denis Diderot, en compagnie de trois collègues. Umaps, qu’on appellerait au Québec une firme de conception multimédia spécialisée en science : d’abord production de cinq courts métrages sur les énergies renouvelables diffusés au Palais de la découverte, puis offre de services aux acteurs de la recherche et de l’innovation. Avec Knowtex, les quatre collègues s’offraient en plus la possibilité d’expérimenter ce concept si flou, mais omniprésent : la « communauté ».

Pour ceux qui ne l’auraient jamais visité, c’est en effet un réseau social-à-la-Facebook —la possibilité de partager des liens et de commenter ceux des autres membres— mais un Facebook qui se donnerait aussi pour mission de remodeler régulièrement sa Une en fonction des liens proposés. C’est par ailleurs un carrefour virtuel pour plusieurs acteurs français de la communication scientifique. Et depuis septembre 2010, c’est un blogue, coordonné par Marion Sabourdy, arrivée en 2009 par la filière du journalisme scientifique. Knowtex comptait plus de 1630 membres le 18 avril.

Avec du recul, poursuit Loubet, « Knowtex nous a surtout servi à comprendre la dynamique de l’Internet », par exemple « en faisant énormément de veille » sur les outils et usages. L’objectif initial —organiser des ressources— a donc « été mis au second plan par rapport à l’objectif (de) mise en relation des acteurs de la recherche, de l’innovation et de la culture scientifique ». Cet espoir de réseautage serait de la musique aux oreilles de l’organisme québécois Science pour tous, qui tente lui aussi depuis 12 ans de « rassembler » les acteurs du domaine (dans une perspective moins « techno »).

Derrière ce mélange contenant-contenu inédit, se cache donc un espoir tout ce qu’il y a de classique. Propre, en fait, à tous les secteurs de la culture : comment les forces réunies d’une multitude de petits acteurs éparpillés pourraient-elles contribuer à faire sortir un secteur de la culture de sa zone de confort?

À l’heure où les budgets du journalisme scientifique rétrécissent et où les gouvernements pensent surtout réduction du déficit, la question est plus épineuse que jamais. Mille six cents passionnés de culture scientifique, c’est une masse critique. Reste à apprendre comment la remuer

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