La science extra-terrestre
Au moment où la Nasa s'excite encore autour
de la quasi-mythique météorite ALH84001
et des micro-organismes que -prétend-on, une
fois de plus- elle cacherait, plusieurs scientifiques
se penchent le plus sérieusement du monde sur
ce à quoi pourrait bien ressembler un extra-terrestre.
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Science-Presse/Médito
Et parmi ces auteurs scientifiques, c'est, étonnamment,
un auteur de science-fiction qui se fait le plus pessimiste:
en ouverture à un dossier sur les extra-terrestres
publié par rien de moins que la très austère
revue Nature, Brian Aldiss déclare d'emblée
que la croyance en l'existence de vies intelligentes
ailleurs dans l'Univers a été prise pour
acquis depuis le XIXe siècle... peut-être
à tort (résumé
de l'article; nécessite une inscription gratuite
à Nature). Ce débat, souligne-t-il,
attire les plus "sérieux, professionnels",
des scientifiques. Mais "bien que les statisticiens
puissent faire du lobbying sur le fait que la vie existe
sûrement ailleurs dans l'Univers, l'évolution
de ce que nous percevons comme "vie intelligente"
semble hautement improbable, ailleurs que sur la Terre."
Parce que nous nous sentons seuls face à l'immensité,
nous cherchons plutôt à nous rassurer par
la présence d'êtres supérieurs:
hier, c'étaient les dieux, aujourd'hui, les extra-terrestres.
Le dossier en question de Nature s'est,
il est vrai, coiffé d'un paravent pour faire
sérieux: l'astrobiologie, cette "science"
née ces dernières années, en bonne
partie parce que la Nasa a décidé de créer
un Institut d'astrobiologie -alors que ce type d'étude
existait depuis longtemps sous le nom d'exobiologie.
L'astrobiologie a l'avantage de permettre aux scientifiques
de démontrer qu'ils sont capables, parfois, de
faire travailler de concert des spécialistes
de disciplines jusque-là très éloignées
(en l'occurence, l'astronomie et la biologie, mais aussi
la géologie, et même la physiologie humaine).
Mais comme le reconnaissent les trois
auteurs de l'introduction à ce dossier spécial,
un champ aussi large devient une arme à deux
tranchants : plusieurs chercheurs ne sont même
pas conscients que leur travail peut tomber dans le
filet de l'astrobiologie. Et ce filet, à vouloir
tout ratisser, en
perd parfois ses objectifs de vue.
Même si elle ne devait jamais rien
trouver de concret, l'astrobiologie aurait au moins
l'avantage d'élargir notre perspective sur notre
place dans l'Univers. Euan Nisbet et Norm Sleep, par
exemple, font partie de ceux qui s'interrogent sur les
origines de la vie: est-elle née sur Terre ou
est-elle arrivée du ciel, grâce à
une comète ? Sean B. Carroll, de l'Institut médical
Howard Hughes, s'interroge sur les tours et détours
auxquels une évolution biologique différente
de la nôtre aurait
pu aboutir. Lynn Rothschild et Rocco Mancinelli
soulignent que les 10 dernières années
ont démontré à quel point la vie
peut s'accrocher dans les environnements les plus inhospitaliers
-des volcans en éruption aux centrales nucléaires.
De sorte que notre vision humaine des conditions nécessaires
à la vie -un environnement riche en oxygène-
n'est peut-être rien de plus qu'un préjugé
qui nous empêche de voir les autres possibilités.
Du moins, la vie sous forme de micro-organisme
-qui fut, après tout, la forme de vie dominante
sur Terre pendant trois des quatre premiers milliards
d'années. Mais pour les autres formes de vie,
celles qu'on supposent capables de jongler avec les
mathématiques et d'envoyer des signaux radio,
si elles existent, elles sont diablement difficiles
à localiser. Le programme SETI (Search for Extra-Terrestrial
Intelligence) oblige à poser cette question:
si des civilisations avancées existent, pourquoi
ne sont-elles pas déjà là ?
Oublions un instant les histoires d'OVNI
et d'enlèvements qui conduisent certains à
croire que les extra-terrestres sont, en vérité,
déjà là. Même si nous considérions
que tel est le cas, résument Jack Cohen et Ian
Stewart, de l'Institut des mathématiques de l'Université
de Warwick, en Grande-Bretagne, "nous serions en
droit de supposer que ce sont des créatures hautement
intelligentes, d'une civilisation technologiquement
avancée, et qu'il est par conséquent peu
probable qu'elles flottent un peu partout dans de gigantesques
machines, occupées à kidnapper des indigènes
ou à faire des trucs bizarres sur les organes
reproducteurs des indigènes."
En fait, concluent ces deux auteurs, la
question-clef devient plutôt: si une vie intelligente
hautement avancée existe quelque part, serons-nous
capables de la reconnaître? La réponse
est clairement Non, à moins que cette vie ne
tienne délibérément à communiquer
avec nous -et que par conséquent, elle ne "s'abaisse"
à notre niveau de compréhension.
Tout ceci n'est rien de plus, en un sens,
que des experts qui s'amusent à spéculer
et à jongler avec les futurs possibles. Mais
un tel dossier dans Nature rappelle à
ceux qui ont l'habitude de qualifier la science de terne,
sans imagination et surtout, conservatrice, qu'au contraire,
les débats sur les domaines les plus exotiques
-c'est le cas de le dire- ont la cote, et fournissent
du matériau aux discussions qui formeront le
coeur de la biologie ou de l'astronomie de demain.