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Et si les bestioles électroniques invisibles à
l'oeil nu que nous construisons échappaient à notre
contrôle? Au-delà de la fascination que représente
cette technologie, savons-nous vraiment où elle nous conduit?
Auriez-vous peur d'une
légion de bestioles électroniques
grouillant dans votre corps?
Discutez-en dans le forum Science-Presse/Médito
Nanotechnologie. Le mot ne fait pas encore partie du vocabulaire
courant. Il évoque ces robots microscopiques qui pourraient
se promener
dans votre système sanguin pour aller déposer un
médicament à l'endroit approprié. Ou
ces fibres de carbone dont l'épaisseur se mesurerait en...
atomes! Ou ces "moteurs moléculaires", appelés
moléculaires parce que, justement, ils auraient la taille
d'une molécule.
Bref, une nanotechnologie, c'est une technologie invisible
à l'oeil nu. Qui n'appartenait qu'à la science-fiction
il y a 15 ans, et qui promet aujourd'hui des révolutions
aussi bien dans l'industrie de l'informatique que dans celle
des matériaux, sans parler de la médecine. Mais
les nanotechnologies sont-elles vraiment sans danger, demandait
le printemps dernier Bill Joy, co-fondateur de la multinationale
Sun Microsystems, dans un dossier
de couverture de la revue Wired.
Nous savons si peu de choses sur ce qui se passe à
l'échelle moléculaire, ajoute à cela la
revue Science cette semaine, dans le cadre d'un dossier
spécial sur le sujet. Existe-t-il une possibilité
pour que ces créations
de notre génie échappent à notre contrôle
et fassent des dégâts à l'échelle
de l'infiniment petit, au point où nous ne nous en apercevrions
que lorsqu'il serait trop tard? Chose certaine, en avril dernier,
la question posée par Bill Joy, compte tenu du poids et
de la crédibilité qu'a Bill Joy dans l'industrie,
avait été ressentie comme une douche d'eau froide
parmi les légions de chimistes, physiciens et ingénieurs
tentant depuis des années de manipuler et de comprendre
les fonctions de la matière à l'échelle
des nanotechnologies (nano signifie de l'ordre du millième
de millième de millimètre).
La peur inhérente à tout cela -l'être
humain a-t-il encore un long avenir devant lui, si quelque chose
tourne mal, en nanotechnologies, en robotique et en génie
génétique- avait suscité bien des reportages,
et conduit bien d'autres chercheurs à sortir de l'ombre,
en particulier ceux qui avaient soulevé les mêmes
craintes des années plus tôt. En juin, un groupe
d'inconditionnels des nanotechnologies -pas tous des chercheurs-
a publié un genre de code d'éthique, appelé
Foresight guidelines. Eux aussi y font miroiter le risque
de nanotechnologies hors de contrôle mais, contrairement
à Bill Joy, ils ne réclament pas que la recherche
s'arrête et reprenne son souffle. Ils suggèrent
plutôt des mesures qui faciliteraient la tâche aux
gouvernements désireux de garder un oeil sur les chercheurs.
Rien de très contraignant, mais c'est déjà
trop pour certains chercheurs qui, plus récemment, ont
commencé à contre-attaquer, alléguant que
ce que Bill Joy et les autres craignent est " au mieux,
improbable, et plus probablement, complètement erroné.
"La recherche scientifique doit se dissocier des lunatiques",
a déclaré Steven Block, biophysicien à l'Université
Stanford (Californie). Certaines de ces craintes, ajoute à
cela Science, trouvent leurs origines dans un livre daté
de 1986, Engines of Creation, par K. Eric Drexler, théoricien
et directeur d'un groupe de penseurs en nanotechnologies à
l'Institut Foresight. L'ouvrage décrit un monde transformé
par les nanotechnologies, où les microscopiques "robots-assembleurs"
fabriquent à peu près tout ce qui est imaginable,
des automobiles jusqu'aux tapis. Mais ils se reproduisent également
eux-mêmes. A l'infini. Au point où ils dévorent
tout sur leur passage : plantes, animaux, et humains.
Et la capacité de se reproduire soi-même est
une des voies sur lesquelles planchent chimistes, physiciens
et ingénieurs spécialistes des nanotechnologies.
Rien ne garantit qu'ils y parviendront dans un futur rapproché
: pour Richard Smalley, Prix Nobel de chimie et professeur à
l'Université Rice de Houston (Texas), la chose est même
impossible. La chimie, explique-t-il à Science,
ne consiste pas juste à mettre un atome à un endroit
et aller en chercher un autre. "La chimie est le mouvement
concerté d'au moins 10 atomes." Ce qui signifie que
pour placer un atome là où vous le voulez, vous
devez lui fournir 10 nano-appendices pour lui permettre d'interagir
avec ses voisins. Or, sachant qu'un nanomètre -la longueur
dont nous parlons ici- fait tout de même déjà
la taille de huit atomes d'oxygène, même si vous
tentiez de construire quelque chose de minuscule -disons, 100
nanomètres- "vous n'auriez pas assez de place"
pour faire entrer ces 10 "bras" avec chaque élément
que chaque autre élément tenterait de manipuler.
En fait, tout ce secteur contient pour l'instant bien
plus de questions que de réponses. Entre autres, on
n'a toujours pas la moindre idée du type de "carburant"
qui pourrait
faire avancer efficacement un nano-robot. On
en est tellement loin que, pour l'instant, Don Eigler, du
Centre de recherche Almaden de la compagnie IBM, a l'habitude
de dire que "la nanotechnologie est une vision, un espoir".
En d'autres termes, "pour l'instant, la nanotechnologie
n'existe pas".
Bill Joy n'est pas impressionné par ces arguments.
Dans 20 ou 30 ans, dit-il, peut-être les savants auront-ils
trouvé un moyen pour contourner ces obstacles. Un mélange
de processus entièrement chimiques et de déplacements
d'atomes bien ciblés, par exemple. Dans tous les cas,
aucune de ces craintes ne semble avoir ralenti la recherche cette
année. En octobre, le Congrès américain
a approuvé la création d'une nouvelle Initiative
nationale sur la nanotechnologie, qui entraînera l'an prochain
des dépenses de l'ordre de 423 millions$. Question de
ne pas se laisser déborder par les Japonais, qui devraient,
eux, atteindre les 396 millions$...
Avec le risque que les "nanotechs" ne subissent
le même sort qu'Internet ces dernières années:
une excitation démesurée, des investissements gigantesques,
suivis de nombreuses déceptions.
Lors d'une rencontre organisée en septembre par la
National Science Foundation, des représentants du monde
de la recherche et des organismes subventionnaires ont discuté
le plus sérieusement du monde de problèmes tels
que: les nanotechnologies pourraient-elles couper des emplois,
en remplaçant chez les ouvriers de l'informatique? Les
écoles sont-elles prêtes à former assez de
spécialistes de la nanotechnologie? Le coût décroissant
de ces outils microscopiques pourrait-il un jour rendre la tâche
facile à des terroristes? Et comment convaincre un patient
de se laisser injecter dans le corps une armée de robots?
Ceux qui ont déjà vu les Borgs dans Star
Trek savent de quoi il s'agit...
Les chercheurs, a-t-il été conclu lors de cette
rencontre, doivent impliquer dès maintenant des "éléments
extérieurs" dans leurs travaux, de la même
façon que les militants anti-sida, parce qu'ils ont été
impliqués très tôt dans les débats,
ont contribué à choisir les priorités dans
la recherche. Un tel dialogue n'a jamais été fait
à temps dans le secteur de la génétique,
avec les effets que l'on connaît à présent...
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