Semaine du 27 novembre 2000

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t si les bestioles électroniques invisibles à l'oeil nu que nous construisons échappaient à notre contrôle? Au-delà de la fascination que représente cette technologie, savons-nous vraiment où elle nous conduit?

Auriez-vous peur d'une
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grouillant dans votre corps?
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Nanotechnologie. Le mot ne fait pas encore partie du vocabulaire courant. Il évoque ces robots microscopiques qui pourraient se promener dans votre système sanguin pour aller déposer un médicament à l'endroit approprié. Ou ces fibres de carbone dont l'épaisseur se mesurerait en... atomes! Ou ces "moteurs moléculaires", appelés moléculaires parce que, justement, ils auraient la taille d'une molécule.

Bref, une nanotechnologie, c'est une technologie invisible à l'oeil nu. Qui n'appartenait qu'à la science-fiction il y a 15 ans, et qui promet aujourd'hui des révolutions aussi bien dans l'industrie de l'informatique que dans celle des matériaux, sans parler de la médecine. Mais les nanotechnologies sont-elles vraiment sans danger, demandait le printemps dernier Bill Joy, co-fondateur de la multinationale Sun Microsystems, dans un dossier de couverture de la revue Wired.

Nous savons si peu de choses sur ce qui se passe à l'échelle moléculaire, ajoute à cela la revue Science cette semaine, dans le cadre d'un dossier spécial sur le sujet. Existe-t-il une possibilité pour que ces créations de notre génie échappent à notre contrôle et fassent des dégâts à l'échelle de l'infiniment petit, au point où nous ne nous en apercevrions que lorsqu'il serait trop tard? Chose certaine, en avril dernier, la question posée par Bill Joy, compte tenu du poids et de la crédibilité qu'a Bill Joy dans l'industrie, avait été ressentie comme une douche d'eau froide parmi les légions de chimistes, physiciens et ingénieurs tentant depuis des années de manipuler et de comprendre les fonctions de la matière à l'échelle des nanotechnologies (nano signifie de l'ordre du millième de millième de millimètre).

La peur inhérente à tout cela -l'être humain a-t-il encore un long avenir devant lui, si quelque chose tourne mal, en nanotechnologies, en robotique et en génie génétique- avait suscité bien des reportages, et conduit bien d'autres chercheurs à sortir de l'ombre, en particulier ceux qui avaient soulevé les mêmes craintes des années plus tôt. En juin, un groupe d'inconditionnels des nanotechnologies -pas tous des chercheurs- a publié un genre de code d'éthique, appelé Foresight guidelines. Eux aussi y font miroiter le risque de nanotechnologies hors de contrôle mais, contrairement à Bill Joy, ils ne réclament pas que la recherche s'arrête et reprenne son souffle. Ils suggèrent plutôt des mesures qui faciliteraient la tâche aux gouvernements désireux de garder un oeil sur les chercheurs.

Rien de très contraignant, mais c'est déjà trop pour certains chercheurs qui, plus récemment, ont commencé à contre-attaquer, alléguant que ce que Bill Joy et les autres craignent est " au mieux, improbable, et plus probablement, complètement erroné. "La recherche scientifique doit se dissocier des lunatiques", a déclaré Steven Block, biophysicien à l'Université Stanford (Californie). Certaines de ces craintes, ajoute à cela Science, trouvent leurs origines dans un livre daté de 1986, Engines of Creation, par K. Eric Drexler, théoricien et directeur d'un groupe de penseurs en nanotechnologies à l'Institut Foresight. L'ouvrage décrit un monde transformé par les nanotechnologies, où les microscopiques "robots-assembleurs" fabriquent à peu près tout ce qui est imaginable, des automobiles jusqu'aux tapis. Mais ils se reproduisent également eux-mêmes. A l'infini. Au point où ils dévorent tout sur leur passage : plantes, animaux, et humains.

Et la capacité de se reproduire soi-même est une des voies sur lesquelles planchent chimistes, physiciens et ingénieurs spécialistes des nanotechnologies. Rien ne garantit qu'ils y parviendront dans un futur rapproché : pour Richard Smalley, Prix Nobel de chimie et professeur à l'Université Rice de Houston (Texas), la chose est même impossible. La chimie, explique-t-il à Science, ne consiste pas juste à mettre un atome à un endroit et aller en chercher un autre. "La chimie est le mouvement concerté d'au moins 10 atomes." Ce qui signifie que pour placer un atome là où vous le voulez, vous devez lui fournir 10 nano-appendices pour lui permettre d'interagir avec ses voisins. Or, sachant qu'un nanomètre -la longueur dont nous parlons ici- fait tout de même déjà la taille de huit atomes d'oxygène, même si vous tentiez de construire quelque chose de minuscule -disons, 100 nanomètres- "vous n'auriez pas assez de place" pour faire entrer ces 10 "bras" avec chaque élément que chaque autre élément tenterait de manipuler.

En fait, tout ce secteur contient pour l'instant bien plus de questions que de réponses. Entre autres, on n'a toujours pas la moindre idée du type de "carburant" qui pourrait faire avancer efficacement un nano-robot. On en est tellement loin que, pour l'instant, Don Eigler, du Centre de recherche Almaden de la compagnie IBM, a l'habitude de dire que "la nanotechnologie est une vision, un espoir". En d'autres termes, "pour l'instant, la nanotechnologie n'existe pas".

Bill Joy n'est pas impressionné par ces arguments. Dans 20 ou 30 ans, dit-il, peut-être les savants auront-ils trouvé un moyen pour contourner ces obstacles. Un mélange de processus entièrement chimiques et de déplacements d'atomes bien ciblés, par exemple. Dans tous les cas, aucune de ces craintes ne semble avoir ralenti la recherche cette année. En octobre, le Congrès américain a approuvé la création d'une nouvelle Initiative nationale sur la nanotechnologie, qui entraînera l'an prochain des dépenses de l'ordre de 423 millions$. Question de ne pas se laisser déborder par les Japonais, qui devraient, eux, atteindre les 396 millions$...

Avec le risque que les "nanotechs" ne subissent le même sort qu'Internet ces dernières années: une excitation démesurée, des investissements gigantesques, suivis de nombreuses déceptions.

Lors d'une rencontre organisée en septembre par la National Science Foundation, des représentants du monde de la recherche et des organismes subventionnaires ont discuté le plus sérieusement du monde de problèmes tels que: les nanotechnologies pourraient-elles couper des emplois, en remplaçant chez les ouvriers de l'informatique? Les écoles sont-elles prêtes à former assez de spécialistes de la nanotechnologie? Le coût décroissant de ces outils microscopiques pourrait-il un jour rendre la tâche facile à des terroristes? Et comment convaincre un patient de se laisser injecter dans le corps une armée de robots? Ceux qui ont déjà vu les Borgs dans Star Trek savent de quoi il s'agit...

Les chercheurs, a-t-il été conclu lors de cette rencontre, doivent impliquer dès maintenant des "éléments extérieurs" dans leurs travaux, de la même façon que les militants anti-sida, parce qu'ils ont été impliqués très tôt dans les débats, ont contribué à choisir les priorités dans la recherche. Un tel dialogue n'a jamais été fait à temps dans le secteur de la génétique, avec les effets que l'on connaît à présent...

 

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