Une équipe 
                                              américaine vient dajouter 
                                              une pierre à lédifice, 
                                              et du même coup, relance le 
                                              débat. Les jeunes qui regardent 
                                              chaque jour plus dune heure 
                                              de télévision au début 
                                              de leur adolescence risquent davantage, 
                                              des années plus tard, dopter 
                                              pour des comportements violents, 
                                              conclut cette étude publiée 
                                              dans la dernière édition 
                                              de la revue américaine Science 
                                              (résumé 
                                              de l'article; nécessite une 
                                              inscription gratuite). 
                                               
                                            Parmi ces comportements 
                                              violents: bagarres et cambriolages. 
                                              Et ceux-ci augmentent 
                                              encore plus si lécoute 
                                              de la télé dépasse 
                                              les trois heures par jour. 
                                            On peut reprocher 
                                              aux chercheurs la taille relativement 
                                              petite de leur échantillon 
                                              (cest-à-dire le nombre 
                                              de gens étudiés): 
                                              707 familles réparties dans 
                                              deux comtés de lEtat 
                                              de New York. De sorte quil 
                                              faut se rappeler ce chiffre, lorsquon 
                                              lit dans cette étude, par 
                                              exemple, que 5,7% des jeunes qui 
                                              écoutent moins dune 
                                              heure de télé par 
                                              jour ont développé 
                                              des comportements violents entre 
                                              16 et 22 ans, contre 22% des jeunes 
                                              qui écoutent plus dune 
                                              heure de télé par 
                                              jour. Sachant que, parmi ces 707 
                                              familles, il ny en avait que 
                                              88 chez qui les enfants regardaient 
                                              moins dune heure de télé 
                                              par jour, 5,7% 
                                              de ces 88, ça ne fait vraiment 
                                              pas beaucoup de monde. 
                                            En revanche, la période 
                                              de temps pendant laquelle tous ces 
                                              gens ont été suivis 
                                              est impressionnante: 17 
                                              ans pour les uns, jusquà 
                                              25 ans pour les autres. De 1975 
                                              à lan 2000. Chacune 
                                              de ces familles avait au moins un 
                                              enfant âgé entre un 
                                              et dix ans, au moment où 
                                              létude a commencé. 
                                            
                                            Pour le principal 
                                              chercheur, Jeffrey Johnson, de lUniversité 
                                              Columbia et de lInstitut de 
                                              psychiatrie de lEtat de New 
                                              York, les liens entre comportements 
                                              agressifs et télévision 
                                              sont particulièrement forts 
                                              pour les hommes pendant ladolescence. 
                                              Et pour les femmes, cest au 
                                              début de lâge 
                                              adulte. Suffisamment forts pour 
                                              quil recommande aux parents 
                                              de ne pas laisser leurs enfants 
                                              trop longtemps devant le petit écran. 
                                            
                                            Ceci dit, au-delà 
                                              des critiques qui seront inévitablement 
                                              formulées contre cette étude, 
                                              elle est loin de tomber dun 
                                              ciel sans nuages. Comme le rappelle 
                                              une 
                                              analyse publiée conjointement 
                                              dans Science, cest 
                                              depuis les débuts de la télévision 
                                              que des inquiétudes de cette 
                                              sorte sont formulées. Et 
                                              dès 1972, les arguments statistiques 
                                              étaient suffisamment nombreux 
                                              pour amener ladministration 
                                              américaine à écrire 
                                              que " la violence télévisée 
                                              a effectivement un impact négatif 
                                              chez certains membres de notre société " 
                                              -sous-entendu, les gens qui ont 
                                              déjà des tendances 
                                              à la violence. 
                                            Six associations professionnelles 
                                              américaines -lAssociation 
                                              des psychologues, celle des pédiatres, 
                                              des psychiatres, des psychiatres 
                                              de lenfance, des médecins 
                                              de famille et lAssociation 
                                              médicale américaine- 
                                              ont récemment conclu que 
                                              "les données pointent 
                                              de façon très nette 
                                              vers un lien de cause à effet 
                                              entre la violence dans les médias 
                                              et les comportements agressifs chez 
                                              certains enfants". 
                                            Et pourtant, déplorent 
                                              les auteurs de lanalyse, Craig 
                                              A. Anderson et Brad J. Bushman, 
                                              de lUniversité dEtat 
                                              de lIowa, "en dépit 
                                              de ce consensus", le grand 
                                              public semble percevoir le message 
                                              exactement contraire: selon la croyance 
                                              populaire en effet, il ny 
                                              aurait pas de tel consensus, pas 
                                              de preuve concluante pour lier violence 
                                              télévisée et 
                                              violence tout court. Cette perception, 
                                              les chercheurs la rapprochent de 
                                              celle qui a entouré le débat 
                                              sur la cigarette: en dépit 
                                              de preuves scientifiques écrasantes, 
                                              un lobbying efficace de lindustrie 
                                              du tabac a longtemps réussi 
                                              à faire croire quil 
                                              subsistait une incertitude quant 
                                              aux liens entre cigarette et cancer. 
                                            
                                            Peut-être les 
                                              critiques de cette nouvelle étude 
                                              ont-ils raison de pointer que les 
                                              88 enfants qui regardent moins dune 
                                              heure de télé par 
                                              jour sont différents parce 
                                              que, pour écouter moins dune 
                                              heure de télé par 
                                              jour, il faut quils proviennent 
                                              de familles qui sont elles-mêmes 
                                              différentes de la norme. 
                                              "Ce sont des familles très 
                                              inhabituelles le genre qui 
                                              a plus de chances damener 
                                              ses enfants dans les galeries dart 
                                              et les musées", lance 
                                              lexpert britannique Guy Cumberbatch. 
                                            
                                            Mais au-delà 
                                              de cette réalité, 
                                              les chercheurs américains 
                                              rappellent avoir tout de même 
                                              derrière eux 25 années 
                                              de données qui leur permettent 
                                              dajuster leurs résultats 
                                              en fonction des variations telles 
                                              que le revenu familial, le niveau 
                                              de négligence parentale ou 
                                              des problèmes psychologiques 
                                              pendant lenfance. Et tous 
                                              leurs résultats concordent : 
                                              laccroissement des comportements 
                                              violents vaut aussi bien pour les 
                                              gens qui avaient déjà 
                                              un passé de violence que 
                                              pour les autres. Un collègue 
                                              de lUniversité Case 
                                              Western, à Cleveland, qui 
                                              en 1988, avait étudié 
                                              des enfants et des adolescents qui 
                                              écoutaient plus de six heures 
                                              de télé par jour (!) 
                                              est intervenu cette semaine, rappelant 
                                              que ces nouveaux résultats 
                                              confirmaient en tous points les 
                                              siens. Anderson et Bushman renchérissent 
                                              en faisant un lien vers dautres 
                                              études récentes, portant, 
                                              elles, sur limpact négatif 
                                              des jeux vidéos violents. 
                                            
                                            Et létude 
                                              de Johnson et de ses collègues 
                                              est de surcroît une première 
                                              pour ses 25 années de données. 
                                              De cette façon, elle devient 
                                              la première à conclure 
                                              que limpact de la violence 
                                              télévisée se 
                                              prolonge jusquà lâge 
                                              adulte. Alors que tous les chercheurs 
                                              précédents sétaient 
                                              jusque-là contentés 
                                              de pointer du doigt un impact malsain 
                                              chez les enfants ou les adolescents. 
                                            
                                            On pourra également 
                                              alléguer quécouter 
                                              la télé ne signifie 
                                              pas écouter des émissions 
                                              violentes. Mais avec une moyenne 
                                              de 3 à 5 actes de violence 
                                              par heure de grande écoute 
                                              à la télé américaine, 
                                              il y a peu de chances de passer 
                                              à côté...