Une compagnie thaïlandaise
a commencé la production
du médicament anti-sida le
moins cher de lhistoire: il
sagit dune copie non-autorisée
des médicaments officiels,
qui devrait être en vente
dans les hôpitaux de là-bas
dès avril. Le médicament,
qui prend la forme dune seule
pilule, sera vendu 20 baht lunité,
soit
léquivalent de 45 cents
US, ce qui signifie quil en
coûtera à un utilisateur
27$ par mois, tandis que le
cocktail traditionnel anti-sida
(trois médicaments, dont
lAZT) coûte... 114$.
Ce médicament
est donc ce quon appelle un
médicament générique,
cet ennemi juré des compagnies
pharmaceutiques: une copie dun
de leurs médicaments, mais
produit à moindre coût.
LAfrique du Sud a été
la première à gagner
sa cause là-dessus lan
dernier (voir ce
texte), lorsque les compagnies,
devant la colère de lopinion
publique, ont retiré la poursuite
judiciaire quils avaient déposée
contre le gouvernement sud-africain.
La Thaïlande, lInde (seul
autre pays à produire de
tels médicaments génériques)
et le Brésil (qui en importe)
étaient les suivants sur
la liste.
Parce que si le médicament
est produit à moindre coût,
il est évidemment accessible
aux plus pauvres. Or, bien des maux
comme le sida frappent davantage
dans les pays plus pauvres et
les gens y meurent faute de soins,
ni eux ni leurs gouvernements nayant
les moyens dacheter les médicaments
(tuberculose, polio, malaria, etc.).
Les pays voisins de
la Thaïlande ont dores
et déjà fait part
de leur intérêt pour
acheter des réserves de ce
nouveau médicament générique,
dont la fabrication relève
de lOrganisation pharmaceutique
gouvernementale. Même des
accords récents, arrachés
aux multinationales pharmaceutiques,
leur permettront de le faire sans
risquer de poursuites judiciaires:
laccord dit " TRIPS ",
de lOrganisation mondiale
du commerce (OMC), autorise un pays
à produire ou importer des
médicaments génériques
-même si cela viole les accords
sur le droit dauteur, protégés
par lOMC- sil existe
chez lui une "situation durgence"
(voir cet autre
texte). Et une épidémie
de sida peut certainement se mériter
le qualificatif de "situation
durgence"...
"Un traitement
générique aura un
impact significatif sur les budgets
gouvernementaux et la capacité
à traiter, tester et donner
espoir à ceux qui sont porteurs
de la maladie", résume
le New Scientist.
Mais la réaction
des compagnies pharmaceutiques à
cette décision thaïlandaise,
annoncée vendredi dernier,
sera également déterminante :
sils poursuivent le gouvernement
thaïlandais au nom de la défense
de leur propriété
intellectuelle, les pays voisins
hésiteront avant dacheter
les médicaments génériques
en question. Sils ferment
les yeux, un nouveau pas aura été
franchi vers la guérison
des malades dans les dizaines de
pays qui nont pas les moyens
de se procurer les médicaments
"officiels". En Thaïlande
seulement, lOrganisation des
Nations Unies estime à 750
000 le nombre de personnes infectées
et à 6600 décès
chaque année.