Les scientifiques
ont beau être très
sceptiques face à lannonce
du Dr Severino Antinori, qui
affirme que le premier bébé
cloné serait "en
route", ils nen sont
pas moins inquiets. Car la technologie
existe bel et bien pour obtenir
un clone humain: cest
la même que celle qui
a permis la naissance de la
brebis Dolly, il y a cinq ans.
En revanche, les risques pour
les clones humains sont les
mêmes que ceux qui frappent
les clones de brebis ou de souris:
seul un tout petit nombre de
grossesses réussissent;
et parmi celles qui réussissent,
la proportion de bébés
nés avec des anomalies
est singulièrement élevée.
Nempêche
que si quelquun risquait
de se lancer, cétait
bien Severino Antinori. Ce gynécologue
spécialiste des grossesses
à un âge avancé
affirme à qui veut lentendre,
depuis lété
dernier (voir
ce texte), quil a
rassemblé des milliers
de volontaires prêtes
à se soumettre à
"lexpérience"
-et que dici peu, lhumanité
aura droit à son premier
clone. Et quainsi, il
aura fait avancer la médecine,
et fourni aux couples infertiles
un autre moyen pour obtenir
un enfant.
Lannonce
a été faite dans
un congrès scientifique
aux Émirats arabes unis:
"notre projet est à
un stade très avancé.
Une femme, parmi les milliers
de couples infertiles de ce
programme, est enceinte de huit
semaines", a-t-il déclaré
à un journaliste du quotidien
de langue anglaise Gulf News.
Information qui
a été reprise
vendredi dans le magazine britannique
The New Scientist.
Il a été impossible
den savoir plus sur lidentité
ou la nationalité de
la femme.
Selon Giancarlo
Calzolari, journaliste scientifique
au quotidien Il Tempo de Rome,
Antinori lui aurait déclaré
vendredi que l'histoire était
exacte et que la grossesse avait
lieu "dans un pays musulman".
"Il
m'a dit qu'il s'agissait du
clone d'une personnalité
importante et en bonne santé."
Le médecin aurait ajouté:
"j'ai à ma disposition
tout l'argent dont je peux avoir
besoin pour atteindre l'objectif".
"La recherche
a besoin de silence. Je ne commente
rien", a réagi,
le lendemain, le Dr Antinori,
lorsquinterrogé
cette fois par lagence
de presse italienne Ansa. Son
partenaire américain
dans ce programme de clonage,
le Dr. Panayiotis Zavos, de
lInstitut dandrologie
de Lexington (Kentucky), sest
également refusé
à tout commentaire.
Dans ce cas, pourquoi
en avoir parlé dans ce
congrès? Un
coup de publicité,
réagit dans Libération
Jacques Montagut, du Comité
déthique français,
qui souligne que la seule preuve
acceptable de cette grossesse
serait une publication dûment
vérifiée dans
une revue scientifique.
Un désir
de prendre les autorités
de vitesse, spécule le
quotidien Le Monde: lors
de son annonce de lété
dernier, le Dr Antinori avait
été sévèrement
mis en garde par le gouvernement
italien. Sil persistait
dans son intention de cloner
un humain, il pourrait être
interdit de pratique en Italie.
La controverse avait également
accéléré,
aux Nations Unies, les préparatifs
en vue de rédiger une
convention internationale interdisant
le clonage humain: les travaux
à ce sujet ont justement
commencé le 26 février.
Mais sil
la vraiment fait, cest
un irresponsable, sindigne
Rudolf Jaenisch, expert en clonage
au Massachusetts Institute of
Technology: "Antinori semble
se servir d'être humains
comme cobayes. Il doit être
stoppé". Pour Ian
Wilmut, lembryologiste
à qui on doit la naissance
de Dolly, les fausses couches,
les malformations et les naissances
prématurées, les
décès peu après
la naissance, les problèmes
cardiaques et pulmonaires, courants
chez les animaux clonés,
vont nécessairement se
reproduire chez les humains.
De simplement oser se lancer
dans une pareille expérience,
lorsquon dispose de toutes
ces données scientifiques,
ne peut être que le fruit
dun esprit malade.
Ce
texte a été mis
en ligne le 8 avril 2002,
et modifié le 9 avril.