
Le 10 mars 2003

Retour
au sommaire des capsules
Irak: les scientifiques doivent-ils se prononcer? (4)
(Agence Science-Presse) - Les scientifiques
devraient faire profiter la population de leur immense bagage
de connaissances, en se prononçant sur la perspective
d'une guerre. Le conseil provient de l'un des endroits les
plus prestigieux de la communauté scientifique: la
page éditoriale de la revue américaine Science.
Et le signataire est nul autre que le secrétaire
général des Nations Unies, Kofi Annan.
"Pour que la science atteigne son plein potentiel et touche
les grands esprits de tous les pays, nous devons faire davantage
d'efforts pour mettre fin aux conflits ou les empêcher.
Les scientifiques eux-mêmes ont un rôle important
à jouer." Kofi Annan rappelle le mouvement des Conférences
Pugwash qui, à partir de 1955, à l'initiative
de quelques vedettes dont Albert Einstein, avait permis
des contacts entre scientifiques russes et américains
pendant 40 ans, dans le but de développer un savoir
commun sur les dangers d'une guerre nucléaire, et
sur les façons d'éviter un tel conflit. Au
cours de la dernière décennie des efforts
similaires ont permis de construire un dialogue jusque-là
marginal entre les instituts de recherche du Nord et du
Sud, sur les problèmes du sous-développement.
Le pacifisme "et la construction de la paix ne devraient
jamais être l'usage exclusif des politiciens et des
diplomates".
L'éditorial de Science -un hebdomadaire-
est rédigé en alternance par divers chercheurs
invités. Il est rare qu'il ne soit pas signé
par un chercheur actif -le directeur d'un organisme subventionnaire
par exemple, ou un auteur prestigieux. Mais il est rarissime
qu'il soit signé par quelqu'un qui soit complètement
extérieur au milieu scientifique: la présence
de Kofi Annan, dans le contexte actuel, est donc une étonnante
initiative de la part de la direction de cette revue publiée
par l'Association américaine pour l'avancement des
sciences.
"La science a immensément contribué au progrès
humain", commence le secrétaire général
des Nations Unies, comme s'il voulait justifier sa présence
dans ce média inhabituel. Ses applications fournissent
de puissants moyens "pour résoudre plusieurs des
défis auxquels fait face l'humanité", de la
famine aux maladies infectueuses en passant par la pollution.
Mais en même temps, la façon dont progresse
la science est marquée par les mêmes inégalités
qui agressent le reste du monde: dans les pays en voie de
développement, le ratio de scientifiques par rapport
à la population est de 10 à 30 fois plus petit
que celui des pays riches. Résultat, 95% de la "nouvelle
science" est produite dans des pays où ne vit que
20% de la population mondiale
de sorte que les priorités
sont souvent très éloignées de celles
vécues par les 80% restants.
De parler ainsi d'une science à deux vitesses déplaît
évidemment aux scientifiques, qui préfèrent
croire que la science, parce qu'elle est faite de rigueur,
est au contraire égale pour tous. Et pourtant, cette
disparité riches-pauvres contribue elle aussi à
accroître les inégalités. Il appartient
aux scientifiques d'en prendre acte, et de jeter des ponts
là où il y a des fossés infranchissables.
Comme dans le cas du conflit qui va peut-être commencer
d'un jour à l'autre.
Tel est le défi lancé aux scientifiques de
la planète. A eux de voir s'ils veulent le relever.
Capsule
suivante
Retour
au sommaire des capsules
Vous aimez cette capsule? L'Agence Science-Presse
en produit des semblables -et des meilleures!- chaque
semaine dans l'édition imprimée d'Hebdo-science
et technologie (vous désirez vous abonner?).
Vous voulez utiliser cette capsule? Contactez-nous!
|