
semaine du 17 février 2003


Irak: les scientifiques doivent-ils se prononcer?
A Rome,
au moins un million de manifestants. A Londres, trois quarts
de million, la plus grosse marche pacifiste de l'histoire
britannique. A Berlin, un demi-million. A Montréal,
150 000. En tout, à travers le monde, une bonne dizaine
de millions de personnes ont, en fin de semaine, crié
leur opposition à la guerre. Et où étaient
les scientifiques?
Que pensez-vous de cette nouvelle?
Discutez-en dans le forum
Science-Presse/Médito
Il faut
parcourir la (longue)
liste des associations
et groupes qui font
partie des coalitions
telles que Stop the
War, son pendant
francophone Echec
à la guerre,
Win Without War, Action
Non à la guerre
ou United for Peace,
pour s'apercevoir qu'on
trouve très peu
d'organismes scientifiques.
On trouve pourtant de
tout parmi ces coalitions,
de très grandes
fédérations
syndicales (comme l'américaine
AFL-CIO) et des minuscules,
des groupes de femmes,
d'étudiants,
d'artistes. Mais de
scientifiques, pas du
tout.
Ou très
peu. En épluchant
les listes, on
finit par dénicher
un groupe appelé
Scientists
Against the War:
c'est une association
britannique récemment
auto-proclamée,
qui ne compte
qu'une vingtaine
de signataires.
Un journaliste
britannique mentionnait
également
un Archeaologists
Against the War,
au milieu des
marcheurs pacifistes
de Londres, groupe
qui, s'il existe,
est impossible
à trouver
sur Internet.
Les puissants
groupes écologistes
que sont Greenpeace
et le Sierra Club
ont certes très
tôt pris
position contre
la guerre en Irak,
mais ils appartiennent
à une autre
catégorie:
ils sont, par
nature, militants,
ce que ne sont
traditionnellement
pas les scientifiques.
Quelques médecins
se sont prononcés
pour des raisons
humanitaires et
la Fédération
des infirmières
du Québec
héberge
le site de la
coalition Échec
à la guerre.
Également
militant de longue
date est le regroupement
Physicians
for Social Responsibility
qui, depuis 1961,
"représente
les professionnels
de la santé
et de la médecine
ainsi que des
citoyens soucieux
de travailler
ensemble pour
le désarmement
nucléaire,
un environnement
sain et la fin
de l'épidémie
de violence causée
par des armes
de poing". Ainsi
que le plus petit
International
Network of Engineers
and Scientists
for Global Responsibility,
qui lance un appel
à la résistance.
Mais on note
un silence de
plomb chez les
milliers d'autres
associations professionnelles,
des chimistes
aux ingénieurs
nucléaires
en passant par
les bioéthiciens.
Au congrès
annuel de l'Association
américaine
pour l'avancement
des sciences,
qui réunissait
6000 personnes
à Denver
en fin de semaine,
alors même
que se déroulaient
ces manifestations
à travers
le monde, pas
un mot sur la
guerre en Irak.
La seule résolution
un tant soit peu
liée aux
événements
a été
celle de 22
directeurs de
revues savantes
annonçant
conjointement
leur intention
de s'auto-censurer
si tombent entre
leurs mains des
résultats
de recherches
"dangereux" -en
d'autres termes,
contenant du matériel
susceptible d'intéresser
des terroristes.
|
Coalitions
Membres
de Stop
the War
Membres
de Échec
à la guerre
Action
Non
à la guerre
Les
villes
contre la guerre
Prises de position
Scientists
Against the War
Physicians
for Social Responsibility
International
Network of Engineers
and Scientists
for Global Responsibility
Coalition
d'universitaires
de Turquie
Les
42
Nobel
Sierra
Club
Résolutions
votées
par
diverses associations
Vous
connaissez d'autres
groupes de scientifiques
qui ont pris position?
Faites-nous en
part ici.
|
Une perspective
qui, en 2002, avait
déjà été
dénoncée
par une partie de la
communauté scientifique
comme de l'à-plat-ventrisme
devant le gouvernement
américain.
"Nous
croyons, lit-on dans
le manifeste de Scientists
Against the War, que
la réponse du
gouvernement américain,
qui est d'engager une
campagne militaire sans
fin contre le terrorisme
à travers le
monde, constitue une
menace sérieuse
aux vies, libertés
et bien-être des
peuples du Moyen-Orient
et du reste du monde...
Ces actions ne contribueront
aucunement à
apporter des solutions
politiques et économiques
aux conditions qui nourrissent
le terrorisme, comme
l'absence chronique
d'une paix juste au
Moyen-Orient ou la pauvreté
désespérante
qui sévit dans
de grandes parties du
monde."
Une déclaration
qui, en soi, n'affaiblit
ni l'objectivité
ni la rigueur scientifique...
En-dehors
de ce manifeste, et
de celui signé
par 42 Nobel de science
à la fin-janvier
(voir
ce texte), on ne
trouve pratiquement
pas d'autres documents
de ce type émanant
de l'univers scientifique.
A côté
de ça, on trouve
jusqu'à des conseils
municipaux, qui n'ont
pourtant aucun pouvoir
en la matière,
parmi ceux qui ont pris
position. Au dernier
compte, le 14 février,
ils étaient désormais
93 villes à avoir
voté des résolutions
contre la guerre en
Irak. Entre autres:
Chicago, Cleveland,
Philadelphie, Oakland
(Californie), Berkeley
(Californie), Baltimore
(Maryland), Santa Fe
(Nouveau-Mexique), Burlington
(Vermont) et Austin
(Texas), de même
que deux instances supérieures:
la Chambre des représentants
d'Hawaii et le Sénat
de l'État du
Maine.
En-dehors
des Etats-Unis: quatre
villes canadiennes dont
Vancouver, plusieurs
villes, préfectures
et parlements locaux
du Japon, Cambridge
en Angleterre et Glasgow
en Écosse, de
nombreuses universités...
et une quantité
astronomique d'associations
étudiantes. Les
scientifiques auraient-ils
perdu quelque chose
de vue depuis qu'ils
étaient étudiants?
"L'application
de la science, conclut
Scientists Against War,
pourrait aider à
transformer le sort
de chaque être
humain, assurant par
exemple que plus personne
ne souffre de la faim...
Nous souhaitons que
la science soit utilisée
à des fins pacifiques
-pour la libération
des humains plutôt
qu'au service de nouvelles
armes de destruction
massive... Nous sommes
conscients que plusieurs
des armes utilisées
dans ce conflit, de
l'anthrax aux bombes
à fragmentation,
sont des produits de
la science et de la
technologie modernes.
Nous croyons que cela
nous impose tout particulièrement
la responsabilité,
à nous scientifiques,
de déclarer notre
opposition à
la guerre."
Pascal
Lapointe
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