Surexploitation des ressources,
pêche intensive... Le portrait,
familier, concerne d'ordinaire la morue
ou le saumon. A l'occasion, la baleine.
Le requin, lui, attirera peu de regards
compatissants. Et pourtant, il en aurait
besoin.
Au moins une demi-douzaine
d'espèces de requins sont en
déclin rapide dans l'Atlantique
Nord depuis 15 ans, alerte une étude
parue dans la dernière édition
de la revue Science. Dans le
pire des cas, celui du requin-marteau
blanc, le déclin atteint l'impensable
75%, écrit l'auteure principale,
Julia K. Baum, du département
de biologie de l'Université Dalhousie
à Halifax (Nouvelle-Ecosse).
Dans tous les autres cas étudiés,
la baisse démographique est de
plus de 50%. Autrement dit, là
où il y avait quatre requins
d'une espèce, il n'y en a plus
que deux, voire un seul.
Or, le problème
du requin n'est pas tant qu'il est chassé
par l'homme, que son garde-manger, lui,
l'est: le requin trône en effet
au sommet de la chaîne alimentaire,
de sorte que la surpêche de certaines
espèces, comme la morue ou l'aiglefin,
le menace. Et au contraire de la morue
ou de l'aiglefin, qui se reproduisent
vite, le requin peut prendre 15 ans
à atteindre l'âge adulte
-et au moins une espèce, le poisson-chien,
vit une gestation de 22 mois.
"Nos résultats
montrent que la surpêche menace
les grands requins côtiers et
océaniques dans le Nord-Ouest
de l'Atlantique", concluent sans appel
les chercheurs. Qui
réclament du même souffle
une politique sévère de
conservation de l'espèce,
en décrétant des zones
interdites de pêches, qui bénéficieraient
à plusieurs espèces menacées.
"Les efforts mis jusqu'ici
sur la conservation d'une seule espèce,
sans vision générale,
vont simplement glisser la pression
d'une espèce menacée à
une autre et peuvent en réalité
mettre en danger la biodiversité."
Evidemment, le faible
capital de sympathie doit jouit le requin
y est pour quelque chose. "L'intérêt
pour les requins est faible à
travers le monde", déclare à
la BBC Rachel Cavanagh, spécialiste
des requins à l'Union mondiale
pour la conservation de la nature. Et
les études à leur sujet
sont en conséquence plus rares
que celles qu'on a sur les baleines,
ou même la morue. Conséquence:
les données dont il est question
ici, sur l'Atlantique Nord, révéleraient
peut-être un déclin tout
aussi pire, si on effectuait la même
recherche dans d'autres régions...