Les médias
ont rapporté
la semaine dernière
que des scientifiques
japonais sont parvenus
à faire naître
10 souris en combinant
simplement les gènes
de deux mères,
donc sans avoir à
faire intervenir un
père. La nouvelle
est passée rapidement
sur les fils de presse
et puis, on a tourné
la page. Et pourtant,
c'est une percée
majeure, sur laquelle
ont travaillé
trois générations
de biologistes depuis
un siècle.
Le célèbre
vulgarisateur et biologiste
français Jean
Rostand avait été
parmi les premiers à
réussir le coup
sur des grenouilles,
il y a plus de 50 ans.
Mais en dépit
d'innombrables tentatives,
les mammifères,
eux, ont déjoué
toutes les tentatives
des chercheurs. Jusqu'à
maintenant.
On appelle
ça, en langage
savant, la parthénogénèse:
la reproduction sans
fécondation (donc,
sans mâle) chez
des espèces qui
sont pourtant sexuées.
Les abeilles et les
pucerons le font tout
naturellement. Alors
pourquoi pas nous?
L'équipe
de l'Université
de l'agriculture à
Tokyo, y est arrivée
en faisant, à
la base, la même
chose que tous ses prédécesseurs
qui avaient échoué
au fil des décennies:
en combinant
le noyau de l'ovule
d'une femelle avec le
noyau d'une autre:
autrement dit, en combinant
les deux codes génétiques.
Mais si ces chercheurs
ont pu franchir un pas
de plus que leurs prédécesseurs,
c'est grâce aux
connaissances et aux
techniques acquises
récemment en
manipulation génétique:
sachant que le spermatozoïde
et l'ovule contiennent
grosso modo les mêmes
gènes, mais que
certains sont actifs
dans l'un et silencieux
dans l'autre, ils ont
réactivé,
dans l'un des deux ovules,
une partie des gènes
silencieux. En quelque
sorte, ils ont fait
croire au premier ovule
que le second était
le spermatozoïde.
Le tout
n'a toutefois pas été
sans peine: parmi quelque
600 tentatives, ils
sont parvenus à
produire 460 embryons,
parmi lesquels sont
nés seulement...
10 bébés.
Et
une seule a survécu
jusqu'à l'âge
adulte. Elle a aujourd'hui
14 mois, elle se nomme
Kaguya, du nom d'une
héroïne
japonaise, princesse
de la lune née
dans un bambou. Et Kaguya,
la souris, est devenue
mère à
son tour par les
voies normales.
Kaguya
est donc à la
parthénogénèse
ce que Dolly est au
clonage: la première-née.
Celle que l'on citera
longtemps en exemple.
Et celle dont on ne
comprend même
pas pourquoi elle a
survécu.
Ce qui
donne aux pères
un répit: en
effet, nulle part dans
l'article des chercheurs,
publié dans Nature,
ne trouve-t-on une tentative
d'explication; nulle
part les chercheurs
ne peuvent-ils dire
en quoi les 10 embryons
qui se sont rendus jusqu'à
la naissance étaient-ils
différents des
450 autres. Bien
des zones d'ombres
subsistent, qui n'auront
pas de trop de plusieurs
années pour être
éclaircies.
Au passage,
explique Tomohiro Kono,
chercheur principal
(dont les tentatives
de parthénogénèse
sur des souris remontent
au début des
années 90), l'étude
confirme une vieille
hypothèse de
la biologie: c'est bel
et bien "l'empreinte"
mâle ou femelle
sur un bagage génétique
(le fait que certains
gènes soient
actifs uniquement dans
l'ovule et d'autres,
uniquement dans le spermatozoïde)
qui bloque, dans la
nature, la parthénogénèse.
C'est donc vers ce processus
(chimique?) d'empreinte,
qui touche un gros million
de paires de base, que
les chercheurs se tournent
désormais: que
se passe-t-il au plus
profond de la cellule
au moment où
démarre ce processus?
Peut-on s'en servir
pour créer des
lignées de cellules-souches
qui seraient utiles,
en médecine,
tantôt à
des hommes, tantôt
à des femmes?
Pour Tomohiro
Kono, quoi qu'en disent
les critiques effarés
par cette disparition
appréhendée
du père, la prochaine
cible d'une parthénogénèse
est déjà
choisie: le porc. Et
ensuite...