Réunie à Ulsan, en Corée
du Sud, la Commission baleinière internationale devait
faire face à un front commun de pays qui veulent
lever l'interdit de 19 ans sur la chasse à la baleine.
Comme l'an dernier, et comme l'année d'avant, ces
pays, le Japon, la Norvège et l'Islande en tête,
ont brandi des arguments économiques aussi bien qu'écologiques.
En vain.
Mais comme l'an dernier, les défenseurs
des baleines ont perdu un peu de terrain: le Japon a annoncé
que, quoi qu'il arrive, il ira de l'avant avec
son projet d'accroître ses "activités de recherche
sur les baleines". Un terme pudique qui cache une chasse
à la baleine de plus en plus officielle.
La nécessité d'en arriver à
ce type de compromis révèle combien il suffirait
de peu pour que la balance penche à nouveau du côté
des chasseurs: ainsi, la proposition d'autoriser une chasse
limitée (150 baleines par an), aux abords des côtes
du Japon, a
été battue par seulement 29 voix contre 26.
Une dizaine des 66 États-membres étaient absents
au moment du vote.
Un vote visant à abolir le Sanctuaire
des baleines du Sud (dans le Pacifique-Sud) a également
été défait par quelques voix.
Une chasse scientifique?
Si l'Islande et la Norvège ne se cachent
pas de vouloir faire de la chasse à la baleine pour
des raisons économiques et "traditionnelles", le
détour scientifique employé par le Japon est
original. En vertu du moratoire de 1986 qui interdit la
chasse à la baleine, il
est permis d'en chasser un nombre limité et
ce chiffre n'est pas défini à des fins
scientifiques.
Le programme de l'Institut de recherches sur
les cétacés de Tokyo s'était ainsi
fixé jusqu'à maintenant un quota de 400 de
ces animaux par année, chiffre nécessaire,
disait-il, pour obtenir un "échantillon" suffisant
de baleines à tous les stades de leur développement.
L'un des objectifs est d'étudier leur estomac, afin
d'établir ce qu'elles mangent et par conséquent,
l'impact qu'ont les baleines sur les populations de poissons.
La délégation japonaise est
frustrée de voir que "la science derrière
sa proposition" n'ait pas été reconnue, a
déclaré Dan Goodman, un porte-parole de l'Institut.
Il faut dire que les baleines tuées dans le cadre
de ce "programme de recherche" sont également vendues
sur le marché, après avoir été
étudiées.
Or, le programme qui démarrera cet
automne nécessitera désormais la prise de
700 à 1000 baleines par année pendant six
ans ce qui, ajouté aux prises norvégiennes
et islandaises, en fera les plus grosses années de
pêche à la baleine depuis deux décennies.
La fin du moratoire?
S'achemine-t-on pas à pas vers la reprise
de la chasse officielle? C'est en 1986 qu'a été
voté un moratoire sur la chasse à la baleine.
Il faudrait un vote des trois quarts des pays membres de
la Commission pour annuler ce moratoire. Parmi les pays
les plus fermement opposés à la reprise de
la chasse: l'Australie, la Nouvelle-Zélande et la
Grande-Bretagne.
Mais l'impasse qui persiste année après
année entre les deux clans remet en jeu l'avenir
même de la Commission baleinière et par
conséquent, du moratoire lui-même. Si le Japon
réussit à obtenir la majorité simple
(51%) lors d'un futur vote (alors qu'il faut officiellement
les trois quarts), il sera plus difficile d'éviter
une réforme de la Commission.
Et du côté des opposants à
la chasse à la baleine, on éprouve de plus
en plus de difficultés à brandir des données
scientifiques solides sur l'état des populations,
en particulier les baleines à bosse.
S'il y a une seule chose qui réunit
les opposants et les partisans, c'est l'impression de piétiner.
S'ils arrivent un jour à s'entendre sur l'épineuse
question des quotas et il y a un document sur la table,
le
Revised Management Scheme, visant une "chasse durable"
cela signifiera la fin du moratoire. Les baleines n'ont
qu'à bien se tenir.
Pascal Lapointe
PRÉOCCUPÉS D'ÉCOLOGIE?
VISITEZ LE
KIOSQUE ENVIRONNEMENT