L'annonce la plus spectaculaire, c'est évidemment
celle qui concerne l'aujourd'hui: il y aurait une mer congelée,
de 800 à 900 kilomètres de long, et de 45
mètres de profondeur, cachée à quelques
mètres seulement sous la surface. Et ce non pas au
Pôle Nord, mais à l'équateur.
1) La mer qu'on voit geler le long des golfes rouges
La sonde européenne Mars Express, en
orbite depuis un an, a renvoyé des images suffisamment
convaincantes pour que les chercheurs aient jugé
bon de soumettre leurs conclusions à la revue britannique
Nature. Celle-ci publiera le tout à la mi-mars;
une première présentation des données
a déjà été faite lors du premier
"congrès Mars Express", tenu aux Pays-Bas le 21 février.
En gros, ces images de la plaine Elysium présentent
les caractéristiques auxquelles on est en droit de
s'attendre ce sont les glaciologues qui le disent
de
la part d'une plaine de sable recouvrant une couche de glace.
Or, s'il y a de la glace aussi près de la surface,
cela signifie qu'elle a gelé assez récemment
il y a 5 millions d'années évalue, sur
la base de l'absence de cratères, le chercheur principal,
John Murray, de l'Université Open à Milton
Keynes (Angleterre). Cinq millions d'années, à
l'échelle géologique, ce n'est rien du tout.
Juste le temps d'être recouvert par une fiche de couche
de poussière volcanique ou météoritique
une couche de poussière qui a en même
temps protégé cette couche d'eau, l'empêchant
de s'évaporer dans la fine atmosphère.
Donc, des poches d'eau liquide auraient subsisté
jusqu'à tout récemment peut-être
même aujourd'hui.
Rappelons que les deux sondes américaines,
Spirit et Opportunity, n'ont fait que confirmer, en 2004,
que de l'eau avait coulé il y a très, très
longtemps: un milliard d'années, peut-être
plus. La sonde européenne Mars Express, de son côté,
avait confirmé la présence d'eau glacée
au voisinage du Pôle Nord, ce qui était une
première; mais comme il s'agissait du Pôle
Nord, lequel est encore plus froid que le nôtre, rien
ne permettait de dire depuis combien de temps cette eau
avait gelé.
En revanche, ici, on est près de l'équateur
(au 5e degré de latitude Nord).
Avec cette annonce, la science s'approche considérablement
de notre réalité et le débat
sur la vie martienne dispose d'une nouvelle assise. Pour
couronner le tout, les chercheurs ressortent
une vieille carte de leur manche: l'une des régions
où des concentrations élevées de méthane
ont peut-être été détectées
en 2004, est justement la plaine Elysium. Or, le méthane
peut être émis, entre autres choses, par des
micro-organismes.
2) Ton histoire est une épopée glacée
Sachant qu'une falaise révèle
son passé couche par couche plus vous descendez,
plus les roches sont anciennes une falaise de glace
peut faire la même chose, pour peu qu'elle n'ait pas
bougé depuis quelques millions d'années. Sur
Terre, avec les cycles climatiques, ce serait difficile
de trouver une telle falaise, mais pas sur Mars. La sonde
américaine Mars Global Surveyor, en orbite depuis
1997, a ainsi photographié une "carte" glacée
du climat des 3 derniers millions d'années, affirment
des géologues de l'Université Brown (Rhode
Island), dans l'édition en ligne de la revue Journal
of Geophysical Research: Planets.
L'histoire du climat, expliquent-ils, est
écrite en bandes sombres et claires dans cette montagne
de glace située près du Pôle Nord. Des
bandes qui semblent se succéder avec suffisamment
de régularité pour suggérer des variations
régulières (tous les 51 000 ans) dans l'orbite
que suit Mars autour du Soleil. Et la qualité des
images permet d'obtenir une résolution de quelques
mètres. Ce n'est pas assez pour lire le climat année
par année, ni même siècle par siècle,
mais ça suffit pour avoir le tout premier témoignage
concret de l'histoire martienne.
3) Folle jeunesse
Enfin, il se confirme que Mars fut active
pendant son premier milliard d'années (au moins).
Tout comme la Terre, elle a dû être secouée
par des éruptions volcaniques, des séismes
à répétition et autres événements
caractéristiques d'une planète géologiquement
vivante.
C'est ce que révèle un mélange
d'observations menées depuis l'orbite martienne et
sur des météorites martiennes tombées
chez nous: on retrouve les signatures de cette activité
interne dans la magnétisation de la croûte
martienne et dans les isotopes des météorites,
résume une équipe américaine de près
d'une vingtaine de personnes, dans la dernière édition
de la revue Science.
Cela confirme que pendant ce premier milliard
d'années, Mars a dû ressembler à la
Terre. Or, plus une planète est géologiquement
active, plus la chaleur que cela provoque favorise la présence
d'eau, "même après la perte de l'essentiel
de l'atmosphère primitive", lit-on dans l'étude.
Et des poches d'eau souterraines suffisamment grandes auraient
laissé comme trace des "anomalies magnétiques"
que de futures sondes spatiales en orbite basse pourraient
détecter.
***
En attendant, il y en a une, de sonde spatiale,
qui doit bientôt commencer des analyses plus détaillées
du sol et du sous-sol martien: après un long retard,
le radar MARSIS (Mars Advanced Radar for Subsurface and
Ionosphere Sounding) de la sonde européenne Mars
Express doit
finalement être déployé en avril ou
mai. Capable en théorie de "fouiller" jusqu'à
5 km sous la surface, il pourrait, toujours en théorie,
confirmer l'existence de la mer souterraine de la plaine
Elysium et qui sait, peut-êtres 'autres mers
encore.
Pascal Lapointe