Semaine du 3 janvier 2000

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2000, l'odyssée de l'espace-temps


B
ien avant le champagne et les petits fours, la nausée vous prenait déjà? La simple évocation de "l'An 2000" ou du "passage au troisième millénaire" suffisait à vous flanquer le cafard? Bref, vous faites partie de ceux qui ont décidé de bouder la ferveur populaire? Prenez votre mal en patience, le scénario risque de se répéter l'an prochain, et peut-être même en 2004...

 

À qui la faute? Aux spéculateurs de tout acabit qui n'ont pas su soumettre leurs ardeurs mercantiles à la chronologie chrétienne. Et à Denys le Petit, moine du Moyen-âge, que ses discutables talents d'historien auront rendu aussi célèbre que sa taille.

Retour dans l'histoire. Haut Moyen-âge, 6e siècle. Les Chrétiens s'entre-déchirent au sujet de la datation de Pâques, fête de la réincarnation de Jésus. Denys le Petit, moine, mathématicien et astronome, plonge dans la polémique et présente au Pape Jean Ier en l'an 525 (ou 532, selon les sources), une toute nouvelle chronologie de l'humanité fondée sur la venue du Christ: l'Anno Domini. C'est que, en cette année que nous, nous appelons 525, l'Europe -ou, du moins, la toute petite partie de l'Europe qui savait lire et compter- vivait en fait en l'an 1277: on calculait encore à partir de la date (présumée) de la fondation de Rome. Selon les calculs de Denys le Petit donc, Jésus serait né le 25 décembre 753 a.u.c. (ab urbe condita, après la fondation de Rome) et aurait été circoncis quelques jours plus tard, le 1er janvier 754 a.u.c. La formule de l'Anno Domini se popularisera au fil des siècles suivants.

Aube de la Renaissance, dix siècles plus tard. En 1582, le Pape Grégoire XIII réforme le calendrier (d'où le nom de notre calendrier, dit grégorien). Parmi les modifications, la promulgation officielle du 1er janvier comme jour d'entrée dans la nouvelle année. Jusqu'alors, le Jour de l'An se célébrait à différents moments selon les coutumes régionales, à l'Annonciation, à Noël, le premier janvier, etc. Le Pape fait ainsi coïncider l'arrivée d'une nouvelle année avec une pratique païenne et la date d'anniversaire de la circoncision du Christ...


Conséquences mathématiques

Résultat combiné de la formule de l'Anno Domini et de la réforme grégorienne: la chronologie chrétienne commence le premier janvier de l'An 1. Par conséquent, chaque nouveau siècle débute le premier janvier d'une année qui se termine par le chiffre 1 (101, 201, 301, etc.). Le prochain millénaire s'ouvrira donc en 2001, et non en 2000.

Mais ce résultat, on le doit aussi au fait que l'an 0 n'a pas été inclus dans les calculs de Denys le Petit.

Le mathématicien ne savait-il pas compter? Bien sûr. Mais le problème, c'est qu'il ignorait tout simplement l'existence du zéro, à l'instar de ses concitoyens européens (il n'y a pas de zéro parmi les chiffres romains). Il faudra attendre de nombreux siècles avant que nos ancêtres ne rattrapent leur retard scientifique. En effet, ce n'est qu'en 1657 qu'un mathématicien, John Hudde, utilisera une variable unique pour représenter un nombre négatif ou positif, une opposition qui suppose la reconnaissance du zéro. Autrement dit, avant cela, les années "négatives" ne pouvaient être placées sur un axe.

Ainsi, pour calculer l'intervalle entre une date située avant la naissance du Christ et une autre située après, on les additionnait et on soustrayait un. Exemple: l'intervalle entre l'an -10 et l'an 10 était donc de 19 ans -alors que le premier élève venu sait fort bien que l'intervalle entre -10 et + 10 est de 20.


Les inventeurs du zéro

Mais ce n'est même pas pour résoudre cette aberration mathématique que les Indiens et les Babyloniens ont "inventé" le zéro. Au départ, ce symbole servait tout simplement à distinguer les nombres: 5, 50, 500, 5000. C'est donc l'écriture qui a forcé l'imagination mathématique. Les Babyloniens utilisaient une forme de zéro dès le 2e ou le 3e siècle avant Jésus-Christ. Mais les véritables précurseurs seraient plutôt les Indiens, lesquels établirent le système que nous appelons décimal (ce qui signifie: sur une base de 10), comprenant des nombres de un à neuf et un signe représentant le zéro; et ce, quelque 500 ans avant la venue du Christ. C'est ce système, transmis par les Arabes, qui est à l'origine de la numération comtemporaine. Et c'est ce décalage entre cette conception de l'univers et celle de l'époque de Denys le Petit qui explique la confusion générée aujourd'hui par l'an 2000. Le calendrier chrétien n'est pas conforme à l'esprit mathématique moderne!

Si Denys le Petit ne peut être blâmé pour son ignorance du zéro, il sera cependant jugé pour son manque de rigueur historique. Le moine place la date de naissance du Christ (753 a.u.c.) après la mort d'Hérode (750 a.u.c.). Or, les Évangiles témoignent d'une autre réalité: les deux personnages auraient passé au moins quelques jours en même temps sur la terre. De deux choses l'une: ou Hérode est mort plus tard, ou Jésus est né plus tôt. L'hypothèse la plus probante est que la naissance de Jésus remonte à l'an - 4 ou - 5 ou, si l'on préfère, que le Christ soit né 4 ou 5 ans... avant Jésus-Christ. D'où les petits fours qu'il aurait fallu sortir en 1995 ou 1996 pour célébrer son véritable 2000e anniversaire... D'un autre côté, comme certains préfèrent croire qu'il serait né en l'an 4 ou 5, on aura peut-être droit à d'autres célébrations en 2004...

Mêlé? Vous n'êtes pas le seul: Denys le Petit lui-même, après avoir élaboré l'Anno Domini, persista à dater ses documents avec un autre système chronologique, celui de "l'Indiction", basé sur les périodes d'imposition impériales...

Recherche et rédaction: Julie Calvé

 

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