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2000, l'odyssée de l'espace-temps
Bien avant le champagne et les petits fours, la nausée
vous prenait déjà? La simple évocation de
"l'An 2000" ou du "passage au troisième
millénaire" suffisait à vous flanquer le cafard?
Bref, vous faites partie de ceux qui ont décidé
de bouder la ferveur populaire? Prenez votre mal en patience,
le scénario risque de se répéter l'an prochain,
et peut-être même en 2004...
À qui la faute? Aux spéculateurs de tout acabit
qui n'ont pas su soumettre leurs ardeurs mercantiles à
la chronologie chrétienne. Et à Denys le Petit,
moine du Moyen-âge, que ses discutables talents d'historien
auront rendu aussi célèbre que sa taille.
Retour dans l'histoire. Haut Moyen-âge, 6e siècle.
Les Chrétiens s'entre-déchirent au sujet de la
datation de Pâques, fête de la réincarnation
de Jésus. Denys le Petit, moine, mathématicien
et astronome, plonge dans la polémique et présente
au Pape Jean Ier en l'an 525 (ou 532, selon les sources), une
toute nouvelle chronologie de l'humanité fondée
sur la venue du Christ: l'Anno Domini. C'est que, en cette
année que nous, nous appelons 525, l'Europe -ou, du moins,
la toute petite partie de l'Europe qui savait lire et compter-
vivait en fait en l'an 1277: on calculait encore à partir
de la date (présumée) de la fondation de Rome.
Selon les calculs de Denys le Petit donc, Jésus serait
né le 25 décembre 753 a.u.c. (ab urbe condita,
après la fondation de Rome) et aurait été
circoncis quelques jours plus tard, le 1er janvier 754 a.u.c.
La formule de l'Anno Domini se popularisera au fil des
siècles suivants.
Aube de la Renaissance, dix siècles plus tard. En 1582,
le Pape Grégoire XIII réforme le calendrier (d'où
le nom de notre calendrier, dit grégorien). Parmi
les modifications, la promulgation officielle du 1er janvier
comme jour d'entrée dans la nouvelle année. Jusqu'alors,
le Jour de l'An se célébrait à différents
moments selon les coutumes régionales, à l'Annonciation,
à Noël, le premier janvier, etc. Le Pape fait ainsi
coïncider l'arrivée d'une nouvelle année avec
une pratique païenne et la date d'anniversaire de la circoncision
du Christ...
Conséquences mathématiques
Résultat combiné de la formule de l'Anno
Domini et de la réforme grégorienne: la chronologie
chrétienne commence le premier janvier de l'An 1. Par
conséquent, chaque nouveau siècle débute
le premier janvier d'une année qui se termine par le chiffre
1 (101, 201, 301, etc.). Le prochain millénaire s'ouvrira
donc en 2001, et non en 2000.
Mais ce résultat, on le doit aussi au fait que l'an
0 n'a pas été inclus dans les calculs de Denys
le Petit.
Le mathématicien ne savait-il pas compter? Bien sûr.
Mais le problème, c'est qu'il ignorait tout simplement
l'existence du zéro, à l'instar de ses concitoyens
européens (il n'y a pas de zéro parmi les chiffres
romains). Il faudra attendre de nombreux siècles avant
que nos ancêtres ne rattrapent leur retard scientifique.
En effet, ce n'est qu'en 1657 qu'un mathématicien, John
Hudde, utilisera une variable unique pour représenter
un nombre négatif ou positif, une opposition qui suppose
la reconnaissance du zéro. Autrement dit, avant cela,
les années "négatives" ne pouvaient être
placées sur un axe.
Ainsi, pour calculer l'intervalle entre une date située
avant la naissance du Christ et une autre située après,
on les additionnait et on soustrayait un. Exemple: l'intervalle
entre l'an -10 et l'an 10 était donc de 19 ans -alors
que le premier élève venu sait fort bien que l'intervalle
entre -10 et + 10 est de 20.
Les inventeurs du zéro
Mais ce n'est même pas pour résoudre cette aberration
mathématique que les Indiens et les Babyloniens ont "inventé"
le zéro. Au départ, ce symbole servait tout simplement
à distinguer les nombres: 5, 50, 500, 5000. C'est donc
l'écriture qui a forcé l'imagination mathématique.
Les Babyloniens utilisaient une forme de zéro dès
le 2e ou le 3e siècle avant Jésus-Christ. Mais
les véritables précurseurs seraient plutôt
les Indiens, lesquels établirent le système que
nous appelons décimal (ce qui signifie: sur une base de
10), comprenant des nombres de un à neuf et un signe représentant
le zéro; et ce, quelque 500 ans avant la venue du Christ.
C'est ce système, transmis par les Arabes, qui est à
l'origine de la numération comtemporaine. Et c'est ce
décalage entre cette conception de l'univers et celle
de l'époque de Denys le Petit qui explique la confusion
générée aujourd'hui par l'an 2000. Le calendrier
chrétien n'est pas conforme à l'esprit mathématique
moderne!
Si Denys le Petit ne peut être blâmé pour
son ignorance du zéro, il sera cependant jugé pour
son manque de rigueur historique. Le moine place la date de naissance
du Christ (753 a.u.c.) après la mort d'Hérode (750
a.u.c.). Or, les Évangiles témoignent d'une autre
réalité: les deux personnages auraient passé
au moins quelques jours en même temps sur la terre. De
deux choses l'une: ou Hérode est mort plus tard, ou Jésus
est né plus tôt. L'hypothèse la plus probante
est que la naissance de Jésus remonte à l'an -
4 ou - 5 ou, si l'on préfère, que le Christ soit
né 4 ou 5 ans... avant Jésus-Christ. D'où
les petits fours qu'il aurait fallu sortir en 1995 ou 1996 pour
célébrer son véritable 2000e anniversaire...
D'un autre côté, comme certains préfèrent
croire qu'il serait né en l'an 4 ou 5, on aura peut-être
droit à d'autres célébrations en 2004...
Mêlé? Vous n'êtes pas le seul: Denys le
Petit lui-même, après avoir élaboré
l'Anno Domini, persista à dater ses documents avec
un autre système chronologique, celui de "l'Indiction",
basé sur les périodes d'imposition impériales...
Recherche et rédaction: Julie Calvé
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