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La station spatiale et le pacte du diable
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Débat entre théologiens et astronomes
Message pour E.T.
La station spatiale
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Le tueur transgénique
Cette fois, ça y est, on en tient un. Un cas d'aliment transgénique
qui a eu un impact dûment observé et mesuré.
Ces derniers mois, les aliments transgéniques ont été
omniprésents dans l'actualité -du moins, en Europe, l'Amérique
étant encore particulièrement distante là-dessus. Encore tout récemment, des scientifiques
prenaient position dans le débat, soulignant à quel point
toute panique était injustifiée, mais combien, en même
temps, un manque d'études sérieuses se faisait cruellement
sentir. Notamment sur un point capital: que se passerait-il en cas "d'évasion
transgénique" -c'est-à-dire une plante altérée
génétiquement dont les gènes s'échapperaient
jusque chez les plantes "normales" du voisin?
L'étude
publiée à la Une de la revue britannique Nature constitue
apparemment une première: un cas où un pollen transgénique
a causé du tort à une autre espèce vivante -en l'occurence,
la chenille du papillon monarque, qui peut en être gravement affectée
et ce, même si elle vit assez loin du champ "modifié".
Il s'agit plus précisément du pollen d'une espèce
particulièrement répandue de maïs transgénique,
dont les modifications génétiques ont pour but de le protéger
des insectes nuisibles. Les chenilles qui s'en nourrissent perdent l'appétit,
grandissent moins vite et meurent plus rapidement. Après quatre jours,
ont constaté les chercheurs de l'Université Cornell, 44%
des chenilles étaient mortes -contre aucune de celles qui n'avaient
pas mangé ce pollen.
Les monarques ne constituent pas une espèce en voie de disparition,
mais les environnementalistes ont rapidement conclu que si cette espèce
de papillon a pu être ainsi affectée, d'autres insectes pourraient
l'être tout autant, au point de débalancer la chaîne
alimentaire.
Le maïs en question est appelé maïs BT (de Bacillus
thuringiensis, la bactérie d'où provient le matériel
génétique "étranger"), et est produit par
les géants de l'agriculture Novartis AG, Pioneer Hi-Bred International
et -encore elle- Monsanto. Les modifications génétiques conduisent
ce maïs à produire une toxine qui tue les insectes européens
ravageurs de cultures de maïs. La chenille ne fait pas partie des insectes
censés être touchés. Approuvé aux Etats-Unis
par la Food and Drug Administration, ce maïs est sur le marché
depuis 1996, et représenterait à lui seul 25% des 80 millions
d'acres de maïs plantés dans ce pays en 1998.
Il est important de souligner que ces chenilles n'ont pas été
tuées par des gènes qui se seraient échappés
dans la nature -la crainte majeure des environnementalistes- mais par le
produit d'une plante altérée -en l'occurence, son pollen.
Mais avec l'importance qu'a prise cette plante aux Etats-Unis, l'urgence
d'intensifier les recherches se fait drôlement sentir.
L'argument des défenseurs de ce maïs n'a pas tardé:
un "maïs BT" est beaucoup moins
dommageable pour l'environnement et pour la santé que l'utilisation
d'insecticides chimiques, qui constituait la norme jusqu'à tout
récemment. Même l'auteur principal de l'étude de Nature,
John Losey, souscrit à cette opinion: compte tenu que d'autres études
ont prouvé il y a deux ans que le maïs BT ne causait aucun tort
aux humains et aux mammifères, "je crois que les bénéfices
connus du maïs BT l'emportent sur les risques potentiels".
Moins de 24 heures après la parution de l'étude, la Commission
européenne annonçait qu'elle gèlerait, dans l'attente
de plus amples informations, les procédures entreprises par la firme
américaine Pioneer Hi-Bred pour exporter ce maïs en Europe.
Les autorités européennes font l'objet d'intenses pressions
des Américains pour accélérer les processus d'approbation
de produits de ce genre: les Américains évaluent à
200 millions$ les revenus qui sont passés sous le nez de leurs fermiers
l'an dernier, parce que des cultures transgéniques déjà
bien établies aux Etats-Unis demeurent interdites en Europe.
Mais de leur côté, les Européens, et en particulier
les
Britanniques, pressent désormais les Américains d'interdire
cette variété de maïs BT.
Si d'autres recherches devaient confirmer les résultats publiés
dans Nature, déclare le président du comité
aviseur sur l'environnement, il serait du devoir des autorités américaines
d'agir immédiatement, notamment en retirant au producteur son permis
pour cette variété de maïs.
Chose certaine, la nouvelle a eu un effet auquel la très austère
revue Nature n'est pas habituée: son site web a craqué
jeudi, sous la pression d'un trop grand nombre de visiteurs... |